LA FEPPIA : CHEF D’ORCHESTRE DES LABELS INDES

C’est place de la Victoire, centre névralgique de Bordeaux, que La FEPPIA est installée. Labels indépendants, fanzine, boîte de pressage : l’immeuble tout entier est habité par des amoureux de musique.

J’y monte les escaliers étroits, je me cogne sur quelques cartons qui traînent et là, entre 2 piles de disques, Eléonore répond à mes questions sur La FEPPIA – Fédération des Editeurs et Producteurs Phonographiques Indépendants d’Aquitaine.

Le café est chaud, c’est parti.

La Feppia c’est quoi ?    

La Feppia c’est le regroupement des labels indépendants de musique de la région. C’est une fédération à laquelle les producteurs de disques adhèrent pour faire porter leur voix et défendre leurs engagements. C’est aussi un moyen d’échanger les pratiques et savoir-faire, mutualiser des outils et ressources, mener des opérations communes, être plus fort ensemble.

Comment est né le projet ?      

De la crise du disque. Et de l’urgence d’y réagir collectivement alors qu’elle frappe de plein fouet les petits producteurs indépendants, et chamboule toute la filière musicale, sans foi, ni loi, ni pitié. Concentration du marché, le tout gratuit sur internet, le disque est mort, tout ça…

Ici personne ne parle de ce prétendu « retour » du vinyle, car il n’a tout simplement jamais disparu chez les indés. C’était aussi pour ça, pour montrer autre chose que la voie unique du numérique. Il fallait s’adapter à de nouveaux usages, certes, mais il fallait aussi s’accrocher à l’album en tant qu’objet, et en tant que passerelle vers autre chose. Alors en 2007, la Feppia voit le jour avec la volonté de redonner de la valeur à la création indépendante, au disque, et à cet artisanat vital au secteur musical. Émergence, singularité, risque, découverte, diversité ne sont pas des concepts, c’est un métier en soi.

La Feppia (Antoine Thomas, Sooyoung Pajot, Eléonore Dubois et Thomas Demaere) - (c) Pierre Lansac

La Feppia (Antoine Thomas, Sooyoung Pajot, Eléonore Dubois et Thomas Demaere) – (c) Pierre Lansac

Qui se sache derrière la Feppia ?  

La Fédération compte 4 petites mains pour soutenir l’activité des producteurs à plusieurs endroits. Pas facile quand eux-mêmes sont sur tous les fronts.

Thomas s’occupe de distribuer les disques des labels chez 40 disquaires et libraires indépendants à Bordeaux et en région. Donc il part faire la tournée des popotes dans sa belle Nevada de 1995, avec ses bacs, son chien, et il sillonne les routes de St-Jean-Pied-de-Port à Niort, en passant par Aurillac, en ville, en campagne, pour que chacun puisse trouver les disques près de chez lui. Il organise aussi des concerts en médiathèques et des showcases dans les boutiques partenaires de notre réseau.

Soo, quand elle n’est pas absorbée par la configuration de la machine d’un mec au bureau, passe le plus clair de son temps à coder puisqu’elle développe les supports numériques de la fédé et de ses adhérents. Elle fait aussi de la peinture traditionnelle coréenne mais ça c’est seulement le lundi.

Antoine nous a rejoint récemment pour faire son service civique sur toute la partie promotion du réseau et des productions. Il fait les playlists pour les radios partenaires une semaine sur deux, envoie les newsletters, anime les communautés, il gère un catalogue de plus de 500 disques ! Sinon c’est un geek qui manage les Moor et aime les J.C.Sàtan.

Et moi, Eléonore, je coordonne tout ça, j’organise la vie de l’association, je m’occupe des partenariats, je travaille beaucoup avec Antoine sur la communication, et avec chacun pour garder le cap.

Peux-tu nous parler plus précisément des labels avec lesquels tu travailles ?

Précisément, ils sont 36 labels sur la région actuelle, petits, grands, professionnels, bénévoles, en asso, entreprises, seuls, en collectifs. Ils ont tous sorti au moins 3 disques de 2 artistes et couvrent quasi tous les champs musicaux : rock, garage, punk, noise, pop, folk, world, reggae, musique sacrée, électro, hip hop, trad, ambient, expérimental, chanson française, et même des cartes postales sonores…

Précisément, ces débrouillards font du 720° (ils ont depuis longtemps dépassé le 360) et ont chacun leur spécificité, avec en commun la multi-activité. Au-delà de la production d’artistes locaux et internationaux, ils peuvent avoir parfois à gérer en parallèle un disquaire, un, voire plusieurs festivals, des soirées tout au long de l’année, une ferme ou encore un job à temps plein. Donc notre travail consiste à s’adapter à chacun tout en partageant des outils communs.

La Feppia - Ambiance - (c) Pierre Lansac

La Feppia – (c) Pierre Lansac

Quels outils mettez-vous à disposition de ces labels ?        

L’avantage d’être regroupés, c’est qu’on peut mutualiser du matériel et du temps de travail: ça va du sabot CB – pour le merch et les concerts – au développement de site web, en passant par l’accès à des plateformes en ligne pour la promotion ou la commercialisation de leurs sorties. Le réseau de points de vente physiques partenaires est également un outil en soi qui permet de compléter la diffusion des œuvres sur les circuits « classiques » qui se font trop rares. Puis on fait aussi du conseil, des ateliers et on organise des formations sur-mesures.

Vous éditez ponctuellement une compilation : tu peux m’en parler ?      

La compile saisonnière des labels de la Feppia sort au moins deux fois par an pour faire découvrir les nouveautés indés au grand public. Elle fait généralement plus de 20 titres qui sont en téléchargement gratuit sur notre site. Et elle représente exactement ce que la fédération et ses membres défendent : la diversité. C’est moins le choix des morceaux que l’agencement de la sélection qui est difficile. Va accorder du drone avec de la techno ou du dub… Ça demande du temps et de la pratique, mais chacun trouve sa place, et il y en a pour tous les goûts.

 La Feppia - Compilation Automne Hiver

La Feppia – Compilation Automne Hiver

D’après toi, qu’apporte ce genre d’initiatives au grand public ?    

On entend vite la même chose partout. Dès qu’un artiste est monté, tout est focalisé sur lui, dans les médias, en ligne, dans les rayons… Ça devient impossible de mettre en avant les petits, ils sont soit noyés dans la masse, soit écrasés par les gros. Il faut être inventif, se renouveler sans arrêt pour se démarquer, et trouver des relais, des passionnés pour porter ces projets qui sortent des sentiers battus.

La raison d’être des labels, c’est de faire émerger la découverte, et on fait partie de ceux qui les aident à mener à bien cette mission car pour nous ça relève complètement de l’intérêt général. J’imagine qu’on n’est pas les seuls à penser que mettre la main sur une nouvelle pépite et prendre le temps de se plonger dans un album, c’est précieux, voire même un peu essentiel !

En ce début d’année 2016, comment envisagez-vous l’avenir ? Des projets ?    

Cette année marque clairement un tournant, que ce soit pour les musiques actuelles ou la redéfinition des territoires. L’élargissement à la Région ALPC va changer la donne, l’échelle d’intervention, les besoins. Nos activités vont évoluer avec de nouveaux collaborateurs. Mais l’objectif reste le même: valoriser le métier de label et le disque, avec son ancrage géographique et culturel.

Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ? 

Oui je veux ! Je veux parler de nos partenaires, car la Feppia est surtout un réseau, et il est important de rappeler que les acteurs du territoire soutiennent les labels indépendants et partagent nos valeurs: le Conseil Régional d’Aquitaine, la Drac, le Rama, les Librairies Atlantiques, le Calif, les radios qui diffusent depuis plusieurs années les trouvailles des labels (MDM, O2, RIG entre autres), l’ACPA, l’Escale du Livre

Question Totem : si la Feppia avait un super-pouvoir, lequel serait-il ?            

Fabriquer des chouquettes.

Question Happe:n : ta dernière claque musicale ? 

Pokey Lafarge à la Rock School Barbey, un moment très parfait.

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