La Compagnie Rêvolution en 3 temps forts

La fin d’année 2014 a été très riche en événements pour la troupe d’Anthony Egea. Outre la présentation de sa nouvelle création Bliss sur l’univers des clubs au TnBA, la compagnie Rêvolution participait à l’ouverture du festival Novart et proposait également un workshop sur les dessous du spectacle avec une de ses danseuses dans le salon Boireau du Grand Théâtre.

Trois rencontres importantes avec le public aussi différentes que complémentaires qui permettaient de véritablement entrer dans l’univers proposé avec Bliss. Nous avons donc suivi avec intérêt cette nouvelle création qui s’installe une toute dernière fois au Casino Barrière mardi 12 mai.

La compagnie Rêvolution ouvrait le festival Novart, en lien avec l’inauguration de la toute nouvelle place St Michel. La Mairie proposait en effet une sorte de  bal gratuit calqué sur les bals modernes participatifs des années 90. « Le bal fait sa rêvolution » d’abordait, grâce aux danseurs de la compagnie, les différents genres de la danse moderne de 70 à nos jours et surtout emmenait les bordelais dans leur univers.

Et c’est une véritable propulsion dans l’histoire de la danse qui invitait à la découverte, au partage. Le but de cette scène en plein air était de bouger tous ensemble autour du même plaisir de la danse. On découvrait au contact des danseurs d’Egéa des styles de danse méconnus du grand public. Au travers des univers abordés dans le spectacle Bliss, les danseurs transmettaient avec un plaisir sincère leur passion. On passait alors du funk au hip hop pour finir par l’électro. Tout le monde jouait le jeu, les petits comme les grands, sans peur du jugement et du ridicule

La prestation finale était à couper le souffle et se présentait comme un prélude à Bliss : On retrouvait des danseurs montés sur ressors qui s’agitaient sur de la musique électro, une énergie et un dynamisme très entrainant. Emportés par une sorte de transe, ils emmènaient le public avec eux. Ce contact particulier, qu’ils ont su mettre en place au cours de la soirée, permettait d’inclure entièrement le public dans leur prestation. On sentait un partage vraiment intense entre les partenaires de scène comme avec le public. Ils ont su électriser l’ambiance et suspendre l’instant.

Egéa a tenu son pari de faire danser toutes les générations ensembles. Il utilise la danse dans sa qualité première : celle de fédérer. C’est aussi la découverte de personnalités chez les danseurs qui nous présentaient leur propre univers, leur style de prédilection ; on retrouve d’ailleurs cette manière particulière de construire le spectacle dans Bliss.

Qu’est-ce que le « bliss » ? On retrouve ce nom venant d’outre-manche évoqué dans de nombreux films, séries ou encore chansons. Le « bliss » c’est comme atteindre une sorte de transe extrême, de plénitude absolue portée par la musique. C’est aller au bout de soi.

Dans cette création qui déroule tout l’univers du clubbing, on retrouve tous les styles de danse empruntés et inventés au cours des 40 dernières années. C’est un spectacle surtout construit autour des danseurs et des musiciens, de leurs singularités et de leurs spécificités. Il est total car la technique, les lumières, les musiciens et les danseurs sont en parfaite symbiose, au service les uns des autres. Chacun raconte l’histoire d’un personnage que l’on peut trouver dans les clubs mais surtout nous présente son univers, la manière dont la danse, sa danse le caractérise. Ils dévoilent sur scène des facettes de leurs personnages, inévitablement nourris d’eux même : la solitude, l’émotion, l’amour, la sensualité voir même la sexualité se retrouvent cristallisés sur scène.

Dans les ensembles chorégraphiés cela importe peu que le geste ne soit pas identique tant l’expressivité du mouvement exprimé par chaque entité est forte. Et cette notion de « bliss » est particulièrement visible dans l’ensemble final. Après la réelle frustration du début où seuls les danseurs entendent la musique ; munis de casque mettant le public au rebus ; on les retrouve au complet. Ils s’abandonnent au bout d’une heure de spectacle et se livrent entièrement, sans barrière. Ils finissent en transe, à bout de souffle mais le public est là, et vibre à leurs côtés. Ils atteignent cette béatitude en saisissant l’énergie des musiciens, du public, du plaisir de la scène. On les regarde, on s’agite, avec la volonté de les accompagner dans ce laisser aller. Ils restent dans la force de la performance, mais on les sent vidés, au bord de l’apoplexie.

Cette volonté, cette énergie, est un fil directeur dans cette compagnie. Comme à St Michel ou dans Bliss, ce même besoin vibrant de transmission est présent en atelier. Animé par Patricia Faur, une des danseuses de la compagnie, on retrouve une vingtaine de personnes débutantes comme expérimentées dans le salon Boireau du Grand Théâtre de bordeaux. C’est sous les moulures dorées et les peintures du 18e que l’on découvre les dessous du spectacle, les anecdotes de sa construction. Patricia nous transmet de phrases de Bliss mais on parle avant tout de sensations, d’envies et  d’expérimentations. Comme elle nous le dit dès les premières minutes : « Vous êtes ici pour du kiffe ! » et les règles sont fixées : il n’y aura pas de démonstration, pas de ridicule, on est seulement là pour se faire plaisir et partager. Comme ce qui transparait dans la danse d’Egéa il y a certes une importance du geste mais avant tout une grande place laissée à son appropriation. Il l’évoque en ces termes « Qu’importe la technique que tout le monde peut avoir ou acquérir, si l’on n’a pas en soi cette petite flamme qui nous fait vibrer et qui rend unique alors tout devient inutile. Il faut avant tout danser comme si l’on avait l’éternité. »

On ne peut que vous conseiller de profiter de cette dernière représentation pour aller voir cette création si singulière. Profitez de cet échange et de cette transmission, et du réel plaisir que les danseurs auront de vous faire découvrir leur art. Allez retrouver ces danseurs sur scène entiers, sincères, avec une telle énergie déployée qu’ils vous donneront l’envie de vous lever et d’aller danser avec eux.

Photographies: Pierre Planchenault