« Mauvais sucre » : substance de saveur douce

Ce vendredi 12 Février, dans le cadre du festival « Pouce » Gilles Baron en partenariat avec le CDC du Cuvier présentera « Mauvais sucre » événement dansé, expérimentation chorégraphique avec deux classes de l’école de Floirac.

Il était une fois l’incandescence… La combustion spontanée… Il était une fois un chorégraphe en quête de cet état chez l’enfant….

Antoine Delage

Grouillante de vie une classe de CP entre dans l’espace Lucie Aubrac de Floirac. Ça court, ça crie, ça hurle. Ça pourrait être une matinée comme une autre, une nouvelle séance de sport dans le rythme scolaire balisé. Mais aujourd’hui, dans ce lieu où se mêlent panneaux de baskets et scène de théâtre, ils vont quitter leur identité d’écolier pour devenir les interprètes d’une création en construction.

Gilles Baron, chorégraphe aquitain, les accueille. Les cartables se posent, les blousons se jettent à terre, les voilà prêt pour 1h30 d’expérimentation corporelle, 1h30 pendant laquelle ils vont proposer une matière chorégraphique à eux, 1h30 où ils vont créer une forme artistique.

Antoine Delage

Baptiste et Mathis entament une première traversée de la scène en jetant, frappant, lançant. Ça renifle sec, l’hiver est là, mais ça danse. Nelson court sur scène pendant que Gilles Baron lui indique le nombre de tours : « Là ça fait un tour Nelson, là ça fait deux tours Nelson, là ça fait trois tours Nelson ». Et Nelson de filer sans entrave, au plus vite, oubliant dans ce tournoiement la consigne initiale.

Aïman, petit garçon au jogging fluo, doit pousser Omar, grand gaillard qui rit de cette situation. « Les garçons c’est quoi cette bataille ! Si tu pousses, tu pousses, tu t’engages dans ce que tu fais, tu prends soin de l’autre mais tu vas au bout du geste ». Car l’exigence est là, pour Gilles Baron, il ne s’agit pas de travailler un spectacle de danse de fin d’année, mais de construire une réelle expérimentation artistique. Les indications sont sensibles, parfois abstraites : « Zoé, c’est l’avalanche », « Maintenant vous me faites le miel »,  « C’est le néant » et les enfants y trouvent là des images sur lesquelles imprimer une qualité de corps étonnante. Dans un coin, Shaïma pleure. Son drame, ne pas pouvoir se sentir libre dans l’espace proposé, être bloquée dans un corps où les codes sociaux ont imprimé de l’inhibition. « C’est important pour moi de travailler avec ces enfants, avant que les interdits sociaux se soient emparés de leurs corps… pour y faire trace avant que les principes de la société aient créé des zones de blocages dans leurs corps ».

Antoine Delage

« Mauvais sucre » est une œuvre singulière créée pour et par les enfants. Entre projet chorégraphique et outil pédagogique, il  leur permet de rencontrer la danse contemporaine. Pour le chorégraphe, Gilles Baron, dans cet espace de l’école, dans ce premier lieu qui fait société, il s’agit à travers ce projet d’apporter des éléments culturels aux enfants sans pour autant les envahir ; d’avoir l’exigence d’une production qui fasse sens pour eux, de proposer aux enseignants une partition à travailler pour transmettre cette mise en mouvement.

Au son du glas et du texte de Phèdre, ces enfants vont éprouver leur corporalité, travailler leur disponibilité, appréhender l’espace, apprendre à être ensemble dans un objectif commun. Une liberté guidée pour partir à la conquête du rythme effréné de ces gamins en folie. Un cadre construit pour laisser émerger l’incandescence infantile et nourrir une création originale dans laquelle on trouve les fragments du tourbillon de l’enfance.

Alors, si vous avez l’absolue nécessité de découvrir ce sucre rouge, venez à la présentation!

L’absolue nécessité par Paul Eluard : « L’absolue nécessité, l’absolu désir, découdre tous ces habits, le plomb de la verdure qui dort sous la feuillée avec un tapis rouge dans les cheveux d’ordre et de brûlures semant la pâleur, l’azurine de teinte de la poudre d’or du chercheur de noir au fond du rideau dur et renâclant l’humide désertion, poussant le verre ardent, hachure dépendant de l’éternité délirante du pauvre, la machine se disperse et retrouve la ronde armature des rousses au désir de sucre rouge. »

Antoine Delage

Photos : Antoine Delage pour Happe:n