Quentin Gendrot alias QLAY

Il était une fois, Quentin Gendrot. Un rêveur, qui n’hésite pas à explorer chaque facette de ses propres émotions. « Si un jour, j’ai un groupe ou un projet, je l’appellerais Qlay ».  Aujourd’hui, il l’assume, c’est son pseudo, son nom d’Artiste depuis 2010.

Qlay, c’est une voix, une guitare, un violoncelle et c’est surtout Quentin. Ce Breton de 30 ans qui a une aisance certaine avec les cordes… Et fait bien vibrer la notre, la sensible. C’est un dimanche d’octobre que j’ai eu la chance d’échanger avec lui, à Bordeaux, où il a posé ses valises, il y a quelques années déjà.

Qlay, quel est ton univers ?

J’ai toujours voulu faire quelque chose où la créativité et le rêve étaient au centre. Lorsque j’avais 5 ans, je voulais être entomologiste, pour étudier les insectes. C’est une imagerie que j’utilise beaucoup notamment dans mon nouvel album. Je trouve ça fascinant, magnifique, on a beaucoup à apprendre de leurs vies, de leurs mécanismes. Très rapidement, je me suis tourné vers le milieu artistique. Je me suis mis à dessiner, des monstres, notamment les insectes. Je dessine d’ailleurs mes pochettes d’album en regardant des films. J’aime beaucoup le cinéma, en particulier la SF, le fantastique, et l’horreur.

Est-ce que tu as grandi dans le milieu musical ?

On ne peut pas vraiment dire ça… J’ai demandé à mon père, qui faisait de la guitare en amateur, de me montrer les bases et ensuite je me suis démerdé. Pendant plusieurs années j’ai bossé seul. J’ai commencé à apprendre des morceaux sur internet… Et rapidement, je me suis mis à relever les morceaux à l’oreille et à apprendre tout ce que je pouvais. Tous les morceaux que j’aimais, je voulais les jouer. Quand j’avais 13 ou 14 ans, ma mère m’a inscrit dans une école de guitare, lorsqu’elle a vu que ça me passionnait,  j’y suis resté 3 ou 4 ans.

Tu te souviens de ta première compo ?

Ma toute première compo… Je me souviens, c’était pour une fille, j’avais 11 ans . Elle s’appelait Lena. Elle avait dansé avec moi et je m’en suis jamais remis. Elle m’avait marqué. Mais même avant ça, j’inventais des petits trucs, deux trois notes, quelques accords…

À quel moment tu crées une musique ?

J’ai des périodes plus favorables à la création. Il y a vraiment des périodes avec et des périodes sans. C’est véritablement comme des saisons, des hivers et des automnes de compositions… des printemps surtout. Quand il pleut, on se couvre et quand il fait beau, on sort. C’est la même chose. Faut pas lutter. Y’a rien de pire que de lutter contre ça. Ça rend malheureux. Avant l’enregistrement de l’album, c’était une période vide. Et lors de ces phases là, il faut employer son temps à autre chose. On n’a pas toujours le contrôle mais on apprend à le gérer. Je n’ai pas l’impression d’être quelqu’un qui compose dans la douleur. Des compos dans la douleur j’en ai fait, c’est vrai que ça donne envie de lâcher des choses, mais en général je ne les garde pas. Sauf peut être, le morceau « Load of Today ». Lors d’une soirée de nouvel an, j’étais avec deux amis, et à ce moment là de notre vie, nous étions tous un peu tristes, par rapport à des relations amoureuses, plus ou moins douloureuses… On était à picoler et à pleurer, tous les trois. Les vieux regrets, la nostalgie nous ont envahi. Donc ce morceau là, je l’ai écrit quelques jours après, en repensant à cette soirée. Avec la lourdeur du passé, j’ai fait ce morceau. Je me revois, devant le film « Incassable » à le bosser et trouver des choses. Je compose beaucoup en regardant des films, avec la guitare sur les genoux. Au même moment, un ami au téléphone a su trouver les mots. Des mots très jutes. Je me suis senti apaisé.

C’est plutôt quand je me sens bien, que la musique que je fais n’est pas triste, je pense. Elle est certes, mélancolique, puissante, cathartique mais elle n’est pas triste. Ce n’est pas de la lamentation. On a tellement à gérer aujourd’hui, qu’on ne va pas en plus se charger de regrets et d’inquiétudes du passé. C’est bien de s’inquiéter pour l’avenir à juste mesure et non de façon outrancière. J’écris souvent pour ces messages. Redonner un peu d’espoir. J’ai composé « My Grief » avec le violoncelle entre les mains. Le refrain est sorti direct avec les accords. Je me souviens j’étais en convalescence d’une petite opération, et je regardais « Thé ou café », c’était beau, ça m’a touché et inspiré. Des fois tu grattes trois trucs et y a quelque chose qui sort sans vraiment chercher. J’aime cette liberté de créer avec ou sans instrument.

Un instant fort pendant l’un de tes concerts ?

J’ai eu des moments de grâce. Il y a des moments où il n’y a pas un bruit dans la salle. Il y a juste un filet de violoncelle, de la guitare et rien d’autre. Et là, tu sens que tu n’es pas en train de faire un concert tout seul, y ‘a un orchestre de public… C’est intense. Lors d’un concert de Qlay, je dessine une histoire dans le set. Je termine par un enchainement de « Swan » et « Colors of Dawn ». Au-delà, du fait que le public doit se manger 17min non-stop de musique, il y a une espèce d’erreur heureuse qui se produit, car beaucoup de personnes pensent que c’est un seul et même morceau. Il y a cette notion de la mort, très sombre puis ensuite quelque chose de très zen, un doux réveil et ce retour de vie. Un soir, au Zygo Bar à Nantes, une dame est venue vers moi à la fin du concert et m’a dit : « J’ai perdu un proche il n’y a pas longtemps et je n’ai pas réussi à pleurer et mettre des mots dessus, jusqu’à aujourd’hui… Et ce, grâce à cette musique. Cela m’a fait accepter la perte… » J’ai été très touché par ce témoignage… Et là, d’en reparler, ça me remet un coup d’émotion… Merci… Je me suis trouvé très chanceux d’avoir un retour pareil. Ça sonne alors comme une évidence… Il y a un truc thérapeutique dans la musique.

The voice, on en parle ?

C’est marrant j’ai repensé aujourd’hui à cette émission et je me suis dit que j’aimerais bien recommencer… Non par soucis de promotion ou retenter ma chance, mais seulement de pouvoir le faire par plaisir. Ça s’est fait tout naturellement. Un enchainement de rencontres m’a amené là. Au Music Academy International, en section chant à Nancy, j’ai rencontré une personne qui a ensuite travaillé pour Chaine France, la société de production de the Voice. Elle m’a appelé, car ils étaient intéressés par mon profil. Ils avaient vu quelques vidéos sur YouTube où je faisais du chant, du violoncelle et du beatbox. Ils m’ont donc proposé de passer les castings. Je connaissais déjà l’émission. J’ai pris le temps de la réflexion et notamment j’ai demandé l’avis de pleins de gens, entre mes proches et sur les réseaux…. Et du coup, j’ai eu pleins de retours très intéressants et d’autres très inintéressants et parfois même très stupides, mais qui sont quand même utiles.  Ça permet de trier les avis qui te parlent. J’ai tout mis sur la table et je me suis lancé. Il n’y avait pas de bonne raison de ne pas le faire. J’ai donc participé à la troisième saison de l’émission The Voice en 2014. L’expérience du casting est très enrichissante. Je suis assez content de ça. J’y suis allé avec mon violoncelle. J’étais là avec mon univers et c’est ce qui a fonctionné. Le hasard fait bien les choses. Faut attraper les petits trucs comme ça.

J’ai eu le plaisir de rencontrer Spleen, qui a son univers, avec qui j’ai fait un concert à Paris, au Cabaret Sauvage. J’ai aussi aimé le personnage bienveillant qu’est Mika. Je me trouvais un peu trop nerveux à cette époque, j’avais 26 ans. Ça fout une trouille pas possible, le cadre et le lieu sont impressionnants. C’est vertigineux, c’est les montagnes russes.

Est-ce qu’il y a un artiste avec qui tu voudrais travailler ou partager la scène ?

Aujourd’hui, j’aimerais pouvoir travailler et partager la scène avec Ulver, Björk , Dominique A, Sigur Rós… Des collaborations comme celles-ci, seraient magnifiques. Ce que j’aime beaucoup aussi, c’est mélanger les arts. Jouer pour des expos. Par exemple s’il était encore vivant, j’aurais adoré jouer pour une expo d’ Hans Ruedi Giger. Ce qui me ferait rêver aussi, ce serait bosser pour du Pixar… faire la bande son, ce serait un truc que je pourrais cocher sur ma « to do list » de luxe. Du Miyasaki, des films de Gondry qui m’ont beaucoup inspirés, c’est parti pas mal de là aussi. Comme par exemple « Eternal sunshine of the spotless mind », que j’ai du voir 15 fois déjà.

Lorsque tu n’es pas Qlay, que fais tu ?

Je suis comédien dans la « Compagnie du Coin Tranquille » à Bordeaux. Actuellement, nous sommes en création et en résidence à Ambarès. Je compose des musiques à la Qlay (guitare, violoncelle et looper…) avec du jeu théâtral, dans un univers très coloré à la Tim Burton. Je donne quelques cours de violoncelle et de guitare. Je suis également prof depuis 7 ans au Cabinet Musical du Dr Larsene à Bègles, tous les mercredis après-midis. J’y dirige un atelier de jeux en groupe. Je fais faire aux participants du Sound Painting, une sorte d’improvisation dirigée. C’est orchestral, tout est basé sur la création d’arrangements ou des reprises. L’année dernière, ils étaient 15 et cette année j’aimerais qu’ils soient beaucoup plus encore.

Un nouvel album ?

J’enregistre actuellement mon deuxième album. Il n’y a pas encore de date prévue pour sa sortie. J’imagine au plus tôt pour cet hiver et au plus tard pour le printemps. Ce nouvel album,  Imago, est une métaphore. Il désigne le stade final d’un individu dont le développement se déroule en plusieurs phases. Ça me préoccupe beaucoup. Ce processus est compliqué mais intéressant. Je suis très concerné par l’évolution de l’être, de savoir-faire ses choix, ses deuils… Je suis un éternel insatisfait et c’est dur de grandir avec ça, mais en gros, le fait de devenir un bel adulte ou un homme accompli est une question qui me concerne personnellement. J’ai donc fait un album là-dessus. Ça représente l’accomplissement dont je rêve, et aussi le stade dans lequel je suis. L’envie d’évoluer vers quelque chose de solide et de choisi.

Une citation ou un texte te correspondrait ?

Le prophète de Khalil Gibran me parle beaucoup. C’est poétique, c’est magnifique. Il dit que la joie et la tristesse sont les deux facettes d’une même chose. Et comment pourrait-il en être autrement? « Plus profond le travail de la peine dans votre être, plus de joie vous contiendrez ». Je trouve ça très classe et vrai. Je pense qu’on a tous souffert de quelque chose. La musique est un exutoire, une récompense. Il y a des accords tristes, il y a des violoncelles tristes, il y a aussi cette joie qui est incroyable et puissante. C’est une couleur, une saveur différente. Ce sont deux frères jumeaux mais dans le miroir, et l’un ne peut pas se passer de l’autre. C’est un très beau mélange. Rire et pleurer c’est quasiment la même explosion. Parfois on peut éclater de rire car on a très mal, ça m’est arrivé… Le rire est une sorte d’explosion, une sorte de libération de la souffrance. Pleurer c’est pareil, c’est comme vomir ou avoir un orgasme ou même aller pisser. C’est une espèce de soulagement, un plaisir. Pour moi, la joie et la peine sont indissociables. J’ai le sens de l’humour et de la tristesse.

Le dernier mot de Qlay ?

Simon et Shob, MERCI… Je les salue très très chaleureusement.

Quentin connait son public, souvent éclectique et sensible. Des gens qui lui ressemblent, des gens passionnés de musique, d’art et de cinéma… Et toi, veux tu le connaitre ? Si tu as entre 7 et 77 ans, tu peux stalker Quentin Alias Qlay sur Facebook.

Photos : Sonia Goulvent pour Happe:n.