Utt était présentée la semaine dernière pour le démarrage de la nouvelle saison du Glob théatre. Cette ouverture a malheureusement pris une tournure hautement symbolique, avec le maintien de la pièce malgré le décès de sa chorégraphe Carlotta Ikeda le 24 septembre dernier. Il en ressort un témoignage vibrant, portée par la danseuse Maï Ishiwata qui avait la lourde tâche de lui rendre hommage.
La scénographie et la mise en lumière viennent totalement servir la pièce. La qualité et la diversité des ambiances construisent l’univers ; les panneaux translucides et les ombres chinoises éveillent l’imaginaire. Le jeu des verticalités lorsque la scène est inondée reste le moment le plus intense de la représentation. L’interprète est comme purifiée par ce que l’on croit être de l’eau et qui s’avère probablement être des grains de riz ou du sable. L’effet visuel est fort, tout comme la superposition du bruit de la cascade et de la musique dans une lumière blanche, d’une froideur chirurgicale.
Mention spéciale à la danseuse qui arrive à transmettre, à nous attraper avec la même intensité, la même force tout au long de la pièce. Elle ne manque jamais de souffle et d’émotion, et se donne toute entière dans son art. On se retrouve suspendu dans une sorte de monde ou le temps n’a plus d’emprise, enveloppé dans un silence quasi religieux. Seuls ses cris viennent déchirer l’espace.
Le film « Carlotta Ikeda : danseuse de toute la peau » d’Anna Kendall était également projeté après la représentation et venait en complémentarité parfaite avec la pièce. On y retrouve Carlotta Ikeda en plein processus de création avec Ko Murobushi pour la guider. On peut alors se poser la question de la transmission de ce type de performance, quand on voit toute la recherche de l’expressivité du mouvement, de l’émotion juste. Comment Mai Ishiwata a-t-elle réussi à s’approprier tout ce bagage et nous le faire parvenir avec une telle sincérité ? C’est bien au-delà d’un simple apprentissage, de la digestion du mouvement chorégraphié. On doit totalement s’immerger dans un processus d’introspection qui permet de révéler toute la richesse de cette danse. On arrive alors à l’essence même de ce qui constitue le bûto.
Glob Théâtre présentation de la pièce
Droit photographies:
(1) LOT
(2) (3) (4) Eric BLOSSE
(5) Frédéric DESMESURE