Sophie Dalès, danseuse et chorégraphe de la Compagnie Wolf, présentait la première de son solo Love me tomorrow dans le cadre du festival Trente Trente. Un manifeste sur les représentations de la beauté et du corps féminin.
On n’a cessé de parler de “mondes nouveaux” pendant la période perturbée de la pandémie liée au Covid-19. Nous avons pensé, imaginé, fantasmé. Mais qu’en est-il vraiment ?
Avec Love me tomorrow, je lis en la proposition de Sophie Dalès, une chorégraphie d’anticipation sur les questions de corps, de genre, et de définition de la beauté.
Les couleurs et le “paysage” qui se dessinent sont la réplique presque parfaite des projections de mon esprit lorsque j’imagine l’univers du futur. Lumières blafardes, ambiance froide avec écran de fumée en prime, la scénographie (certes simple mais) enveloppante créée par Sophie Dalès nous plonge illico dans un autre cadre spatio-temporel.
Doudoune XXL surmontée d’un chaperon matelassé, le costume ne laisse aucun moyen de distinguer un bout de peau de la danseuse (ou du danseur). Car, dans les prochaines décennies, quel sera l’intérêt de préciser la nature de son genre ?
Quand le corps féminin est constamment hyper-sexualisé, dénudé, et là où la danse classique exige des tenues ultra moulantes censées “rendre justice à la gestuelle”, Sophie nous propose un costume oversize camouflant chaque partie de son corps en mouvement. Et l’effet n’est que plus beau. Les sons que crée cette couette en plumes retaillée en veste prennent le relais de l’ultrabass, qui soutenait juste avant les mouvements de la danseuse. Venant encore défier les codes des danses classique et contemporaine, où le “beau” prime sur le sens, les mouvements dans Love me tomorrow, sont d’abord lents, intérieurs, ancrés dans le sol. Puis ils deviennent plus violents, notamment au moment où le personnage ôte sa “carapace” (symbolisée par la doudoune XXL mentionnée plus haut). Ils se muent ensuite en mimes très évocateurs, puis en coups. “Déshabillé”, en étant exposé, le corps est-il plus fragile ? Qu’est-ce que produit le fait de transgresser l’injonction à la pudeur ? Le corps de la femme, scruté et jugé en permanence, a-t-il le droit de s’exprimer librement, a-t-il le droit d’“être” tout simplement ?
En réponse à ces questions, Sophie Dalès allume son regard. Les leds qu’elle a posées sur ses paupières obligent le public à la regarder “dans les yeux”. Comme pour signifier « regardez-moi dans les yeux (le miroir de mon âme), plutôt que l’enveloppe que représente mon corps”.
*************************
Pour suivre Sophie Dalès (Compagnie Wolf) : facebook / instagram
Pour retrouver Love me tomorrow sur scène : Prochainement… Happe:n vous tiendra au courant.
Pour (re)lire l’entretien avec Sophie Dalès, réalisé dans le cadre de sa résidence au Festival Trente Trente : ⚡ Flash portrait ⚡ Sophie Dalès