Transfert, voyage entre différents univers

Après 3 mois d’exposition, TRANSFERT, installé dans l’ancien commissariat Castéja, fêtait samedi son dévernissage. Pour finir en beauté cette 5ème édition, Banzaï Lab, Mabreuch et Odezenne donnaient un concert dans la cours aménagée.

Exposition Transfert - 6e édition - 2015. Crédit photo Hélène Larrouturou.

Exposition Transfert – 6e édition – 2015.
Crédit photo Hélène Larrouturou.

Première rencontre avec Rooble du collectif « Frères Coulure » qui parle exposition, copains et musique.

Béret sur la tête, barbe rousse et t-shirt de graff : l’artiste Rooble m’accueille tout sourire. Je le suis dans les bureaux où quelques œuvres non exposées trainent au milieu du brouhaha général.

POUR COMMENCER, PEUX-TU NOUS PRÉSENTER TRANSFERT ?

Tu commences avec une question difficile, il y a beaucoup de choses à dire ! Le projet est né en 2011, suite à notre rencontre avec Jean-François Buisson des Vivres de l’Art. On avait déjà collaboré avec lui sur certains projets, jusqu’au jour où il nous a carrément proposé d’utiliser la galerie des Vivres de l’Art pour monter une exposition. A l’époque, c’était quand même assez rare qu’on nous laisse l’opportunité de le faire. Il nous a imposé une contrainte, qui est maintenant prépondérante dans notre démarche, à savoir ne pas simplement poser des cadres sur les murs. Il fallait travailler une vraie installation. S’approprier les lieux.

POURQUOI CE NOM ? EST-CE LIÉ A CETTE IDÉE D’APPROPRIATION ?

Le nom TRANSFERT vient tout simplement du fait que la galerie, avant qu’elle ne soit refaite, était cloisonnée par des grillages, des poteaux… C’était hyper sombre, hyper dark, surtout que ce sont d’anciens abattoirs ! C’est ce qui faisait le charme du lieu. Du coup, on s’est dit « Transfert » car on voulait délimiter des espaces mais réussir à passer d’un côté à l’autre, cela s’est donc transformé en « Transfert ». En plus, tout le monde peut se l’approprier, l’interpréter …

C’EST LA PREMIÈRE FOIS QUE VOUS VOUS EXPORTEZ EN DEHORS DES VIVRES DE L’ART. COMMENT EN ÊTES-VOUS ARRIVÉS A EXPOSER DANS CET ANCIEN COMMISSARIAT QUI EST UN BÂTIMENT AVEC BEAUCOUP DE CARACTÈRE ?

Je pense que c’est une histoire de conjoncture favorable ! Déjà, l’an dernier on a fait venir la Mairie à notre exposition. A l’époque, nous étions soutenus par l’Été Métropolitain, c’était notre seule subvention. Nous sommes donc rentrés en contact avec le tout jeune élu à la culture, Fabien Robert. Nous lui avons expliqué que nous cherchions un lieu et de l’argent. Il nous a mis en relation avec InCité, qui nous a ensuite dirigé vers de Gironde Habitat les propriétaires du commissariat Casteja. On voyait tous de quel endroit il s’agissait et on a demandé un rendez-vous. Ils nous attendaient avec les plans posés sur la table ! On pensait devoir leur vendre le projet à fond mais c’était déjà bon ! C’est l’avantage d’avoir des appuis politiques dans ces situations. La seule contrainte que nous avions avant de nous lancer : rester libres et indépendants. Ils ont accepté et c’était parti.

Exposition Transfert - 6e édition - 2015. Crédit photo Hélène Larrouturou.

Exposition Transfert – 6e édition – 2015.
Crédit photo Hélène Larrouturou.

TRANSFERT RASSEMBLE PLUSIEURS ARTISTES. COMMENT CONCEVEZ-VOUS UNE TELLE EXPOSITION EN COLLECTIF ?

Une des rares parades que nous avons pu trouver c’est que les artistes gardent leur espace et leur univers. Sinon on est trop nombreux ! L’association Transfert rassemble quand même 14 artistes + un gestionnaire. Forcément c’est compliqué.. mais le travail collectif, c’est aussi accepter notre contrainte et connaître nos limites. Chaque artiste a son espace, son univers et l’harmonie se créé naturellement. Nous avons des forces un peu partout et surtout, nous trouvons des personnes extérieures qui nous aident. L’équilibre est naturel. C’est une histoire de rencontres, de copains et de copains de copains.

L’EXPOSITION EST TRÈS DYNAMIQUE, VOIRE LUDIQUE. ON Y CROISE TOUT TYPE DE PUBLICS.
EST-CE QUE C’EST UNE VOLONTÉ DE VOTRE PART D’ÊTRE AUSSI ACCESSIBLE ?

Très bonne question! Oui, c’est une volonté de notre part. Nous avons toujours travaillé à l’extérieur donc nous avions conscience d’être accessibles à tous. Cette volonté d’accessibilité, nous la voyions surtout dans le sens où l’évènement est gratuit. C’est important pour nous. Dans l’équipe, il y a des artistes indépendants qui font des ateliers dans des écoles. Le délire est de donner ce que nous avons pu apprendre !
Après, il faut reconnaître que nous avons le vent en poupe ! L’exposition a dépassé les 40 000 visiteurs, ce n’est pas seulement parce que les artistes sont bons, il y a une conjoncture favorable. Quant au street-art, nous n’aimons pas vraiment ce terme car nous sommes graffeurs, c’est un fourre-tout, c’est à la mode un peu partout donc cela aide.
Pour la première édition, nous avons eu 500 personnes : c’était la famille et les copains. Maintenant, le but est d’arriver à ouvrir. Nous sommes contents d’y arriver mais je ne crois pas que l’on maîtrise tant que ça. En tout cas, c’est génial de voir que pour le vernissage il y a des gamins qui courent partout, comme des personnes âgées.

DIFFÉRENTES CHOSES GRAVITENT AUTOUR DE L’EXPOSITION. PAR EXEMPLE, AUJOURD’HUI IL Y A DES CONCERTS. CRÉER UNE PASSERELLE ENTRE PLUSIEURS DISCIPLINES, C’EST IMPORTANT POUR VOUS ?

Encore une fois, cela s’est toujours fait naturellement ! Tout est vraiment une histoire de potes à la base. Nous n’avons pas fait de recrutement, cela marche vraiment au feeling, aux rencontres.
Donc après coup, cela nous force à réfléchir. C’est peut-être à contre-sens des organisations classiques mais c’est comme ça. Tu vois Odezenne, ce sont les copains d’un artiste !

AUJOURD’HUI, C’EST LE DÉVERNISSAGE, QUEL BILAN VOUS TIREZ ?

Nous manquons encore de recul, c’est le rush mais nous sommes déjà très contents ! Rassembler plus de 40 000 visiteurs, ce n’était pas inespéré mais vraiment inattendu ! C’est génial !

1 MORCEAU POUR ACCOMPAGNER L’EXPO ?

Odezenne – Gomez

SI TU AVAIS UN SUPER POUVOIR, QUEL SERAIT-IL ?

Arrêter le temps !

TA DERNIÈRE CLAQUE MUSICALE ?

Alabama Shake – GIMME ALL OF YOUR LOVE

—–

C’est maintenant au tour de Crewer et Trakt de répondre à quelques questions sur cette exposition et leur travail. Les deux artistes arrivent en rigolant, un café à la main.

ALORS TOUT D’ABORD, QUI ÊTES-VOUS ?

Crewer
Nous sommes Crewer & Trakt du collectif « Peinture Fraîche ». Nous travaillons autour de compositions graphiques et spatiales en binôme depuis quelques années et nous sommes membres fondateur de Transfert. C’est un mélange de graphisme abstrait et d’illustrations.

Trakt
Nous venons de deux endroits différents ; Creewer est tatoueur et je suis graphiste.

COMMENT VOUS EN ÊTES ARRIVES A TRAVAILLER TOUS LES DEUX ?

Trakt
Nous faisions tous deux partis du collectif « Peinture Fraîche ». Donc, nous avions l’habitude de travailler à 4. Puis, il y a eu affinités de styles et de démarches donc nous nous sommes mis à travailler en binôme. Au sein du collectif, par la suite au sein de Transfert.

AU SEIN DE TRANSFERT ET DE FAÇON GÉNÉRALE, COMMENT EST-CE QUE VOUS LIEZ VOS UNIVERS ?

Trakt
Malgré tout, ce sont des cases. Des cases où chacun peut s’exprimer librement sans forcément regarder ce qu’il se fait à droite ou ce qu’il se fait à gauche. Tout le monde joue le jeu de se lâcher! L’édifice se construit avec toutes ces choses, ces univers.

Crewer
C’est assez spontané. Chacun apporte sa démarche de manière assez brute pour justement créer une richesse et une diversité. Il y a une cohérence qui se fait, qui est liée au concept même de Transfert, à savoir transférer justement nos habitudes de peindre dans la rue, pour faire des installations. On passe de quelque chose de purement pictural à quelque chose de spatial.

COMMENT VOUS AVEZ RÉAGI EN SACHANT QUE TRANSFERT ALLAIT SORTIR DES VIVRES DE L’ART ?

Trakt
Crewer a fait une dépression pendant 3 mois ! (rires) Non.. en réalité, cela n’a rien changé, que l’exposition soit aux Vivres de l’Art ou non, la démarche reste la même. C’est prendre un bâtiment, un lieu et y peindre. Nous, en tant que graffeurs, nous sommes allés déjà dans des hangars, des lieux désaffectés, et on allés y peindre. C’est notre fonctionnement.

Crewer
Même si pendant plusieurs éditions, l’exposition s’est faite aux Vivres de l’art, les peintures changeaient à chaque fois. Ce n’est pas comme si nous étions attachés à cet endroit précis.

ET VOUS ETES CONTENTS DE CETTE EDITION ?

Crewer
Non c’était pourri ! Non.. nous sommes très très contents ! Nous nous attendions à quelque chose de gros mais pas à ce point ! Toutes les critiques ont été intéressantes. Ce qui a été utile en changeant de lieu, c’est que nous nous sommes ouverts à d’autres publics et surtout à plus de public. Même si ce n’était pas la volonté des Vivres de l’Art, le public restait assez exclusif à cause du placement géographique. Ici, on est en plein centre !

Trakt
Cela a marché sur tous niveaux : peinture, visites, art-shop, musique, com’, tout a vraiment fonctionné.

VOUS VOULEZ RAJOUTER QUELQUE CHOSE ?

Crewer
C’est une belle aventure. Il y a 10 ans, c’était un rêve et aujourd’hui c’est fait. Par contre, ce qui est hyper important pour moi, c’est que quand je dis à mes enfants « Papa il est pas là ce soir » forcément ils font la gueule. Mais quand je leur explique que c’est important d’avoir des rêves et de les accomplir, je vois qu’ils captent. Mon fils sourit. Je me dis que plus tard, s’il a un rêve, quel qu’il soit, il se dira que c’est possible d’aller jusqu’au bout.

EST-CE QUE VOUS POUVEZ ME CHOISIR UNE CHANSON POUR ACCOMPAGNER L’EXPO ?

Crewer
Je dirai « Bassline Junkie » de Dizee Rascal ! Elle raconte l’histoire d’un mec qui fait du porte-à-porte et lui, c’est un junkie de la ligne de basse, de la même façon que nous, nous sommes des junkies de l’expo ! Nous souhaitons juste partager cela, sans rien attendre en retour.

1 exposition, 30 artistes, plus de 40 000 visiteurs, une centaine de bénévoles… Un grand succès pour cette 5ème édition. Dans chaque pièce, rien n’est laissé au hasard, le travail et l’énergie fournis par les artistes se ressentent. Au fur et à mesure que le visiteur avance dans l’exposition, différents univers se dévoilent sous ses yeux mais le tout garde un lien. « Il y a un équilibre naturel » nous dit Rooble. C’est vrai !
Dans les projets futurs, les artistes espèrent créer des emplois afin d’alléger les bénévoles. Il est aussi question d’élargir le cercle des personnes qui collaborent avec l’association, pour rayonner davantage encore. Aussi, quand il est question d’une nouvelle exposition, il est naturellement question d’une sixième édition.

oeuvre 1