Villa Romaine de Bengale, du cul pour des clics ?

On a vu passer un énième kiss kiss bank bank, on a pensé “encore ?!”

On a lu que c’était pour un clip, on s’est demandé “pourquoi ?”

On a vu que c’était érotique, on s’est dit “encore des nanas à poil pour du clic ?!”

Puis on a conclu qu’avant de conclure on n’avait qu’à interroger les principaux intéressés.

Rencontre avec Bengale au sujet de leur projet de clip avec Ovidie : Villa Romaine.

« Dans la villa romaine,

le soleil frappe les persiennes

et au loin les lagunes émeraudes des îles éoliennes

éblouissent les lorniettes.

Il fait beau c’est l’hiver

dans la villa Romaine ».

De quoi parle la Villa Romaine ?

C’est un conte fantasmatique libertin. C’est plein de fantasmes. Ça pourrait être des gens qui s’éclatent en toute liberté et qui font ce qu’ils veulent. C’est un poème, quelque chose de très abstrait qui laisse place à l’imagination. Ça raconte beaucoup de douceur et d’amour.

On pourrait très bien penser que dans la villa romaine il se passe des choses mignonnes, de simples caresses. Mais on peut aussi s’imaginer une fête orgiaque romaine. Et à la fois il y a plein de poésie. Ce ne sont que des images de la nature qui peuvent être prises pour des corps de femmes… C’est une balade d’amour qui tend vers l’érotisme, vers le côté physique de l’amour.

Vous aviez déjà des images en tête, vous vous étiez représenté quelque chose par rapport à  la chanson ?

Je me souviens exactement de quand cette idée nous est apparue. Avec les réalisateurs Les Simones, on parlait de la chanson d’Odezenne « Je veux te baiser » et de ses contrastes : des paroles très explicites et un clip relativement doux par rapport au texte.

Nous, on a un texte très mignon et on s’est dit qu’il serait intéressant de faire quelque chose de plus trash à l’image, de très contrasté. On avait envie d’apporter quelque chose à l’image qui soit esthétique et érotique, de liberté de mœurs. Apporter un vrai plus à la chanson, l’emmener encore ailleurs. Illustrer un clip juste pour l’illustrer, c’est pas vraiment excitant et illustrer le clip en faisant un film de cul ça n’a pas trop d’intérêt non plus… Sinon on devient des producteurs de films de cul et on fait ça à côté de la musique ! Mais on n’a pas envie de faire ça non plus. On avait envie de créer quelque chose de beau et d’y mettre de la poésie. Donc on a décidé de travailler avec Les Simones et Ovidie.

Vous aviez envie de surprendre donc ?

On fait toujours ça dans notre musique. À l’intérieur même de nos chansons on aime les contrastes : des thèmes sombres sur des morceaux dansants ou l’inverse.

Déjà sur Ocean Sun vous avez sorti un clip très sensuel. Est-ce que vous avez envie de vous inscrire dans cet univers et cette esthétique ?

On n’y avait pas pensé, je ne le vois pas comme ça ce clip ! On le trouve très mignon. La chanson est une sorte de road trip initiatique. Elle parle des gens un peu paumés, qui se cherchent. Ça ne parle pas que de la jeunesse mais des gens en général qui cherchent leur voie dans le monde. On s’est imaginé une sorte de sirène qui a la possibilité d’être un humain pendant 24h et qui va triper, qui va goûter du vin, découvrir son propre corps, la ville et repart le soir… c’est un peu le principe de Cendrillon.

Il y a quand même cette scène de masturbation …

Oui dans la voiture mais c’est simplement le prolongement de cette idée d’exploration par la découverte de son corps. L’idée n’était pas de choquer.

Je trouve ça bien d’être sensuel. Le fond est important mais la forme aussi. On est aussi sensible à tout ce qui est féminin, ce qui explique cette sensualité. Mais on ne veut surtout pas être vulgaire. Mettre en scène des gens nus ce n’est pas nécessairement vulgaire.

Mais je n’aime pas expliquer les choses. En musique, il faut que la forme soit belle d’abord pour y adhérer, pour amener à la réflexion. C’est important d’avoir du fond sous un aspect très léger.

Et donc la sensualité est féminine ? Où sont les hommes ?!

Non c’est un hasard ! Il n’y a pas que des filles, on va bientôt sortir un clip où le héros est un homme d’ailleurs !

Comment s’est passée votre rencontre avec Ovidie et pourquoi elle ?

L’envie de travailler avec Ovidie est venue de la rencontre avec les Simones car l’un d’eux avait déjà bossé avec elle.  Leur idée était de donner vie à six photos d’Helmut Newton et d’imaginer ce qui se passe avant et après chaque photo. On aime beaucoup l’esthétique de ce photographe et ça collait bien à l’image classe qu’on voulait avoir pour ce clip.

Ovidie fait du porno mais à l’opposé de tous les clichés du porno. Ce n’est pas juste pour mettre deux filles à poil. Et puis, le porno n’appartient pas qu’aux hommes et pas qu’aux hommes qui veulent voir des trucs dégueulasses ! [Pour en savoir plus]

On dit qu’elle fait du porno féministe, vous aviez besoin d’elle comme d’une caution ?  

Non, mais il nous fallait Ovidie pour diriger les actrices, on n’aurait pas su faire ! On a besoin d’une chef d’orchestre, qu’elle apporte une vision et un savoir faire. C’est elle qui va cadrer le tournage et le professionnaliser. C’est elle qui choisit les comédiennes et c’est intéressant parce qu’elle va vers des physiques un peu hors normes ou en tout cas pas type mannequin.

Elle a déjà fait des retours sur le scénario, et ça ne va pas du tout ressembler à quelque chose qu’on connaît : les images, le grain… et ça ne va surtout pas ressembler à un film de cul ! C’est intéressant aussi, parce qu’elle n’a jamais fait de clip. Enfin bref, on ne met pas des gens à poil juste pour avoir des clics ! D’ailleurs, ça ne sera pas visible sur les réseaux classiques de distribution mais sur des plateformes spécialisées, alors le nombre de clics… On réfléchit à peut être en faire une version “censurée” avec des floutages pour que le clip puisse être diffusé sur des plateformes tout public…

Et pourquoi un Kiss Kiss Bank Bank ? Vous n’avez pas peur que les gens se lassent à force, il y en pour tous les projets !

Honnêtement, on a juste peu de moyen. On est un groupe indépendant et on le revendique avec un clip comme celui-ci. Aujourd’hui, même un gros amateur de musique peut profiter de sa passion sans dépenser un centime pour l’industrie de la musique. Les ressources commerciales se sont déplacées, notamment dans les concerts. Ce n’est pas évident d’auto-financer ce type de projet. Quand on a vu que des mecs lançaient des collectes de fonds pour ouvrir des « bars à chats », on s’est dit qu’un projet artistique un peu cohérent et pertinent, était tout à fait légitime sur Kiss Kiss Bank Bank. C’est une solution que l’on n’avait jamais utilisée encore.

Pourquoi et à quoi ça sert de faire un clip aujourd’hui ?

La musique c’est le principal mais le clip ne sert pas juste à l’illustrer. Il amène un autre propos, il emmène plus loin un morceau. Pour nous aujourd’hui ça fait parti d’un tout artistique. Ça a changé, c’est pas juste pour se filmer en train de chanter, ça n’a aucun intérêt !

Dans l’idéal, on aimerait cliper tous nos titres, ça nous permettrait d’accéder à une œuvre artistique globale. Les chansons, on sait les faire. Pour nous, créer un clip c’est une vraie continuité de la musique et c’est passionnant ce rapport à l’image ! Même si c’est un autre monde qu’on maîtrise moins.

Dans Villa Romaine, il ne s’agit pas seulement de filmer des images, on touche à un univers très proche du cinéma. Nous avons cherché, cela ne s’est jamais fait ce type de projet de mise en vie de photographie. On a envie d’apporter quelque chose !

Dans l’idée d’une œuvre artistique globale, vous n’avez pas envie de garder un même univers visuel, une cohérence globale ?

Nous aimons changer d’univers à chaque fois, aussi parce que nos chansons sont toutes très différentes. Nous sommes identifiés par cet éclectisme. Ne jamais être là où on nous attend, nous essayons d’en faire notre marque de fabrique. Je pense que c’est aussi difficile que de garder une ligne cohérente.

Après il y a des groupes qui ont une imagerie homogène et c’est bien aussi, c’est juste pas ce qu’on a envie de faire !

Par exemple le clip de Kendrick Lamar on trouve ça vraiment très bien fait, ce sont des énormes clichés mais ça raconte une histoire !

Mot de la fin ?

Le tournage se fera début 2016 si la campagne fonctionne, alors foncez il reste 7 jours !!

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Mickaël si je te dis édition ..?

Je pense à l’Alliance internationales des éditeurs indépendants : L’Alliance contribue à la promotion et à la diffusion des productions du Sud et tente, modestement, d’inverser le sens « unique » des flux commerciaux. L’Alliance participe ainsi à une meilleure accessibilité des œuvres et des idées, à la défense et à la promotion de la bibliodiversité.

Romain si je te dis cinéma ..?
En tant que musiciens, le cinéma est très important pour nous. Nos chansons sont comme des petits films, avec un scénario, des scènes, des acteurs. C’est une immense source d’inspiration. Pour nos clips, on travaille avec différents réalisateurs, collectifs, artistes (Maxi Plaisir, JAYUS Films, Les Simones, Louis Thienpont, Louis Granet …), et le passage à l’image est passionnant, d’autant plus que c’est une discipline qu’on ne maîtrise pas du tout techniquement.

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Interview réalisée par Elodie et Manon.