Climax Festival : Une chaîne humaine à l’engagement pluriel

Retour sur ces 4 jours de festival, et sur l’engagement des différents acteurs ayant participé à l’aventure.

S’engager ? C’est devenu presque une nécessité, un « devoir ». Je me suis demandée ce que cela signifie, et quelles peuvent être les motivations des artistes, des conférenciers, des ONG, ainsi que des bénévoles et étudiants faisant vivre cette manifestation culturelle et engagée.

LES ONG

Il doit être 15h30, et je parcours le village des ONG. Je m’intéresse particulièrement à l’éducation par l’image et la participation, au développement durable, il était donc inévitable pour moi de tomber sur la Maison de la nature et de l’environnement de Bordeaux-aquitaine. La MNE est un regroupement d’associations et collectifs de protection de l’environnement, du cadre de vie et du développement durable. Leur but est d’éduquer, donner accès à la culture et créer des lieux de rencontre et d’innovation inter-associative. mes deux interlocuteurs,  deux jeunes, souriants et sympathiques, m’ont parlé du festival « zéro déchet, zéro gaspi’  » qui aura lieu le 23-24 novembre au hangar 14. Ils m’ont ensuite conseillé d’aller voir l’association e-graine , engagée dans l’éducation au développement durable.

Je rencontre une jeune femme,  qui nous propose  un quiz sur la perception des migrants que l’on a ici en France. J’obtiens un score de 2 bonnes réponses sur 3. La fausse affirmation disait: » un Français qui émigre dans un pays étranger n’est pas un migrant ». Je me disais: « évidemment qu’on ne les appelle pas comme ça, eux, on les appelle des expatriés ou alors des aventuriers, des nomades ». Et c’est justement cette perception d’une réalité qui devrait être traitée de la même manière qu’on cherche à dénoncer. Après un échange enrichissant avec et d’autres passants, elle m’invite à participer à une session de formation sur l’art de mener un débat, et peut-être, intégrer leur groupe utilisant la culture pour sensibiliser. Je dois avouer que j’étais assez fière de voir tant de jeunes présents ce jour-là pour faire valoir les actions et les causes défendues par leurs associations.

© Pierre Planchenault

LES ARTISTES

Mais Climax c’est aussi de la musique. J’ai eu le plaisir de rencontrer et d’interviewer  Thea, une compositrice-interprète bordelaise, avant son concert à 19h15 le vendredi. Un échange sur son engagement personnel dans la musique.

Comment as-tu obtenu cette opportunité de jouer à Climax ?

En fait, j’ai joué en Mai ici même à Darwin, et il se trouve que le directeur de Climax a eu un coup de cœur, et m’a tout de suite proposé de jouer pour le festival. J’étais très contente, donc j’ai accepté sans hésitation.

 Sur tes premiers titres, tu chantes uniquement en anglais, pourquoi ce choix ? On sait que la musique française contemporaine souffre d’une mauvaise réputation, mais penses-tu qu’elle peut rayonner de nouveau internationalement ?

Je ne pensais pas du tout à cela il y a un an! Moi-même, j’avais abandonné la chanson française car ce ne sont pas mes influences. c’est l’écoute de Juliette Armanet, dont je suis complètement fan, qui m’a réconcilié avec le français! J’écoutais des chansons françaises, mais vraiment bien ringardes des années 80 (rires). Après, le fait que je ne chante pas en français, c’est surtout parce que je trouve que ma voix ne sonne pas bien dans cette langue, c’est une histoire de timbre. Puis le pop folk, se prête vraiment bien à l’anglais, et étant fan de Nathalie Prass, ainsi que d’autres artistes dans ce style-là, ça n’aurait aucun sens de commencer à écrire en Français.

L’univers de la pop, c’est un univers assez compétitif avec déjà beaucoup d’artistes qui pèsent déjà à l’échelle internationale. Comment les artistes locaux comme toi peuvent se démarquer et se faire une place pour survivre dans cette industrie ?

C’est la question du moment vu que mon prochain EP va sortir. Je me pose beaucoup de questions quant à la direction à donner à ma carrière, que ce soit la couleur et l’univers musical, l’image. Et justement, dans la pop, c’est très important la photographie, la typo, la scénographie, absolument tout, puisque tous le monde voit un mouvement d’artistes avec un univers unique. C’est triste quelque part de s’enfermer dans une case, mais en quelques mots, lorsqu’on prononce ton nom, il faut pouvoir identifier l’univers de l’artiste. Et je ne pense pas que ce soit encore mon cas. Le réseau également aide beaucoup dans ce milieu, ça aide à échanger sur les tournées, sur notre propre musique pour avoir un avis extérieur, et on s’entraide pas mal. Mais, il faut savoir s’entourer de gens bienveillants, notamment à Bordeaux. C’est une petite ville, tous le monde se connait, et on n’a pas toujours droit à des retours constructifs.

Qualifierais-tu ta musique d’engagée ?

Alors pas du tout, mes chansons parlent des thèmes qu’on retrouve un peu partout. Mes deux premiers titres parlent des relations humaines, et dans mon premier EP, ça sera un peu plus mélancolique. Il n’y aura pas la même patte cependant, car ce ne sera plus Marc Daumail du groupe pop Cocoon, mais Botibol qui sera à la production, sous ma directive. Le style sera plus plage, plus rythmé que précédemment.

Y aurait-il des causes qui te tienne vraiment à cœur personnellement ?

 Je suis devenue végétarienne il y a pas longtemps, c’est vrai qu’avant je n’y pensais pas trop, j’étais trop jeune. Puis un jour je me suis dit « pourquoi pas? ». Comme ça, je ne vois pas trop de causes en particulier, mais j’ai pu, par exemple, aider à nettoyer les plages avec l’association Surfrider. Je trouve cependant, que c’est important qu’il y ait des événements comme Climax, qui donnent un sens à ce qu’on fait. C’est d’ailleurs pour ça que je suis bénévole au VOID , qui est une salle de concerts et d’enregistrement indépendante et associative. Tous le monde est super engagé, j’y vais bénévolement, ça me fait plaisir.

 Ton idéal de bonheur ?

 Vivre de ma passion! Je n’aurais jamais soupçonné vouloir vivre de ma musique, j’ai fais des études en audiovisuel avant ça. Mais j’ai vite compris que je n’étais pas douée pour autre chose que la musique.

© Anthony Fournier

LES BÉNÉVOLES

Sur le site de Darwin, impossible de ne pas croiser un bénévole muni de son t-shirt Climax. En observant les lieux, je ne peux pas rater toutes ces œuvres, ces couleurs, ces toilettes sèches ultra écolo, ce flux de darwiniens heureux de remettre ça cette année encore, quoique, un peu trop critique quant à la consommation d’énergie…On ne peut pas faire que des satisfaits ! Mais faut-il pour autant ne pas remarquer le travail réalisé ? j’ai pu échanger avec rois bénévoles dont les motivations diffèrent:

Fanny: « Climax, est un festival alternatif, et c’est pour moi une opportunité de gagner en expérience, d’apprendre sur le terrain, car je veux travailler dans l’événementiel. C’est aussi avant tout un festival engagé et local, et j’en ai eu une très bonne expérience. En tant que membre de l’équipe de coordination, notre journée de travail commence un peu plus tôt que les autres, car on doit s’assurer que chacun dispose des informations dont il a besoin, que chacun a sa responsabilité et que tout va bien. On est à peu près 250 bénévoles donc on cherche aussi à les rendre autonomes. »

Louis: « Ce festival, c’est un rassemblement de personnes, des rencontres, une prise de conscience sur un certain nombre de choses qui font partie du quotidien, et qui sont importantes pour notre avenir. On voit qu’il y a des déclics qui apparaissent au travers des conférences, les toilettes sèches, le tri des déchets, tous les détails ont leur importance.  a aussi beaucoup de coopération entre les bénévoles, surtout sur la mise en place, où je me rend compte que je prenais du plaisir à installer en sachant que c’était pour participer à la réalisation d’un projet comme celui-ci. L’expérience qu’on en tire dépend vraiment de l’intérêt pour laquelle on a voulu être bénévole. Il y en a qui viennent parce qu’ils s’ennuient pendant les vacances, d’autres pour pouvoir venir gratuitement, d’autres pour le côté militant, ou bien pour gagner en expérience. »

© Anthony Fournier

James: « Pour quelqu’un comme moi qui est engagé dans plusieurs associations environnementales, Climax, c’est un peu un aboutissement personnel. C’est un lieu d’échanges et de partage de connaissances, avec beaucoup de gens qui partagent les mêmes valeurs, et je pense que c’est avec ce genre d’initiative qu’on va changer les choses. Je ne pense pas que Climax peut avoir une grande marge d’évolution car le travail réalisé est déjà énorme. Mais je pense qu’on pourrait peut-être s’intéresser à l’impact que ça a sur les festivaliers, et si ça provoque en eux du changement, une petite prise de conscience. Il y a eu du changement grâce à Darwin, mais on ne pèse pas suffisamment pour faire bouger les choses vraiment. C’est un lieu alternatif qui plaît, cmême s’il passe souvent pour un repère à « bobo », mais j’invite tous les gens à venir sur le terrain pour voir ce qui est fait réellement. C’est difficile en France de sensibiliser les gens à ces questions car les Français sont très conservateurs et n’aiment pas le changement, mais on n’a pas le choix, et on n’a pas le temps. »

© Anthony Fournier

LES ÉTUDIANTS

Dimanche, nous voilà proches de la fin de cette aventure, et voilà que j’aperçois lors de la fin d’une conférence, un groupe de jeunes étudiants, bénévoles pour l’occasion, se lever retrouver leur directrice.  Ils sont issus du lycée Edgar Morin. Ce lycée expérimental a pris forme au printemps 2016 à Darwin. C’est apparemment une tradition,  une sorte de week-end d’intégration, pour ces lycéens qui s’apprêtent à démarrer une année dans un lycée pas comme les autres.  Nathalie Bois-Huyghe, directrice du lycée, m‘explique l’importance de ce festival dans le parcours pédagogique des élèves.

© Pierre Planchenault

LES INTERVENANTS

Pour ceux qui ne pouvaient se rendre sur place, les conférences étaient retransmises en live sur Facebook ! Parmi les intervenants, tous n’ont pas la même notoriété, le même poids pour pouvoir faire bouger les choses, et surtout, la même motivation et direction. Ce matin, à l’écoute de la conférence sur la biodiversité commune, (avec un focus sur la biodiversité de la région Nouvelle-aquitaine) j’entends des politiciens, des scientifiques, des naturalistes, dressant un constat terrible sur la disparition progressive des oiseaux et poissons. Ce discours vise, notamment, à dénoncer la pollution des sols par l’agriculture et la culture du vin. Ce qui n’a pas laissé indifférente une agricultrice dans le public qui rappelait que les conditions d’exercice de son métier sont assez rudes (précarité, soumis à des législations européennes, pas de couverture sociale, indifférence des pouvoirs publics). Les discours peuvent paraitre moralisateurs, mais témoignent de ce besoin d’agir de manière transversale, de croiser les regards sur ces mêmes enjeux.

© Nawal Daliaoui

La conférence suivante sur l’avenir de l’humanité, est partagée entre un discours très fataliste et chaotique, et de grands optimistes qui veulent y croire. Maurice Rebeix, photographe et conférencier, qui a beaucoup travaillé avec les Sioux Lakota, évoque leur philosophie sur la nature et la vie. C’est « l’homme incompris », il illustre totalement l’inverse de cette caricature de l’homme savant occidental qui parle, non pas avec son cœur, mais muni de connaissances rationnelles qu’il met rarement en doute. J’ai été touchée par ses gestes d’amours, ses paroles, qui nous rappellent que « notre mission c’est d’être humain ».

L'HOMME EST IL DESORMAIS UNE ESPECE EN VOIE D'EXTINCTION

L'HOMME EST IL DESORMAIS UNE ESPECE EN VOIE D'EXTINCTION

Publiée par Climax Festival sur Dimanche 9 septembre 2018

Climax, c’est doncl’engagement de toute une équipe. Chacun, avec son histoire, sa passion, ses compétences, s’est engagé pour faire de ce festival, un lieu de rencontres, où l’on peut encore croire en demain. Cependant, il y a encore du chemin pour que ces enjeux gagnent l’intérêt d’un plus large public, et on a des raisons d’y croire, grâce à Jeanne Marie Rugira. Je dois, oui c’est une nécessité, vous citer cette femme, qui fait partie de celles qui m’ont ému lors de ces conférences. Elle est professeure au Département des Psychosociologie et Travail Social à l’Université du Québec à Rimouski:

« Ubuntu, en africain, ça veut dire être relié à sa propre intériorité, être relié à l’autre être humain, être relié aux autres êtres vivants, être relié à la terre. Et moi je pense que si on fait des cercles de reliance, qui reconstruisent ces différents ponts, alors on a encore le pouvoir de rebondir »

© Anthony Fournier