Compagnie Camera Obscura : Discussion avec Antoine Marchand

Chorégraphie, théâtre, son, vidéo, On vous parle des performances de la compagnie Camera Obscura.

À l’occasion de leur sortie de résidence au Glob Théâtre le 15 février, j’ai pu me familiariser avec l’univers de la Compagnie Camera Obscura, qui mêle expériences chorégraphiques, théâtrales, performatives, sonores… Les danseurs et danseuses montraient au public vingt minutes de La Métamorphose du dormeur, une pièce en création. Sous un beau soleil, j’ai rencontré Antoine Marchand, le metteur en scène, au Jardin Botanique où la compagnie travaillait ce jour-là.

Vous étiez récemment en itinérance. Qu’êtes-vous en train de créer ?

On crée un « projet test ». On sera trois sur scène : deux danseuses et moi. Ce sera une forme courte que l’on présentera peut-être au festival Hors-lits au mois de juin, qui se déroulera exceptionnellement dans des jardins. Donc  on était effectivement en itinérance : on essaye de trouver des endroits où on peut travailler, autant en extérieur qu’en intérieur. On a travaillé dans l’appartement d’une amie mais on a aussi profité du beau temps pour créer dans les parcs ! Mais par exemple, au mois d’avril, on sera en résidence au Conservatoire.

 

Quel a été votre parcours avant la création de la Compagnie ?

J’ai commencé assez jeune à faire des vidéos et des courts-métrages. Puis, j’ai découvert le milieu associatif, ce qui m’a permis d’apprendre à diriger une équipe par exemple. J’ai abandonné mes études de biologie pour me diriger vers des études en arts du spectacle, notamment en cinéma et théâtre, en m’orientant vers le Master « Mise en scène et Scénographie » à l’Université de Bordeaux Montaigne. J’ai toujours été cinéphile. Puis, très vite, je me suis également passionné pour la danse contemporaine. J’ai notamment participé au festival de Poitiers, À corps, qui est un festival à la fois pour les professionnels et les amateurs, en présentant des créations chorégraphiques.

 

Comment est née la Compagnie ?

En fait, la Compagnie Camera Obscura est mon projet de fin d’études de 2014. J’ai co-mis en scène un spectacle avec une amie (On the road, don’t worry ‘bout nothing), qu’on a pu présenter au festival Trente Trente. Repéré par le metteur en scène Jean-Luc Terrade, j’ai eu l’opportunité de travailler avec lui et de l’assister sur quelques-unes de ses mises en scène.

Mise en place de sa prochaine performance, « Come Out » aidé de jean-Luc Terrade

 

Comment définiriez-vous vos créations au sein de la Compagnie ? Des performances ?

Je trouve qu’on utilise trop le mot « performance » sans vraiment savoir le sens qu’on met derrière. Je préfère dire que je fais du théâtre car pour moi, le théâtre est le point de rencontre de tous les arts. Je pratique plus le théâtre visuel que le théâtre parlé, parce que quand la littérature prend trop de place sur scène, ce n’est plus du théâtre justement… c’est de la littérature ! C’est ma collaboration avec le metteur en scène italien Roméo Castellucci, en 2015, qui m’a influencé vers le théâtre visuel.

 

Justement, quelles sont vos influences ? Vous utilisez beaucoup de références au cinéma notamment, que l’on peut voir dans La Métamorphose du dormeur.

David Lynch, beaucoup, notamment pour La Métamorphose du dormeur. Mais aussi, Kubrick, Godard, le cinéma expérimental et plastique. Ce que j’aime surtout chez Lynch ou Godard, c’est leur travail sur le son et les couleurs. Ils font un véritable cinéma organique, dans le sens où ils utilisent les spécificités du cinéma, tout en rendant leurs films vivants.

On remarque que le corps est au cœur de la plupart de vos créations. Comment l’envisagez-vous ? Comme une matière que l’on travaille ?

Oui c’est ça, un peu comme un outil, un objet comme les autres. Ni au-dessus, ni en-dessous des autres, car tous disent quelque chose. Parfois, les danseurs sont un peu perturbés par ce que je leur propose, mais ils ont une qualité de travail du corps que les acteurs n’ont pas justement. En fait, ce genre de travail, qu’on peut appeler « théâtre physique », vient surtout d’Allemagne.

Par l’influence de Pina Bausch par exemple ?

Oui ! Elle a beaucoup travaillé le mélange du théâtre et de la danse, qui donne lieu à ce théâtre physique. D’ailleurs, c’est drôle parce que ce genre de théâtre se retrouve surtout dans les pays de l’Est de la France, finalement. Chaque région a des influences différentes.

Vous semblez lier le travail du corps à la relation à l’autre, notamment dans La Métamorphose du dormeur. Le corps et « l’autre » fonctionnent-ils ensemble ?

Oui un peu, car ce sont deux choses qui nous touchent de près. En fait, je mets en scène des images simples et j’essaye de les détourner : autant les actions du quotidien — qu’on fait seul ou à deux — que les objets. Je veux montrer à quel point ces choses sont bizarres alors qu’on les pense simples. C’est comme pour les rêves, finalement : quand on se réveille, on a l’impression que ce dont l’on a rêvé était improbable… alors qu’au moment du rêve, ça paraissait probable !

Le spectateur est souvent pris à partie. Que cherchez-vous à susciter chez lui ?

Je ne cherche pas à provoquer, mais plutôt à lui faire ressentir des émotions. Il peut être actif sans forcément bouger. On essaye de le mettre dans un état d’hypnose, en demi-sommeil, pour susciter le rêve.

Vous faites des sorties de résidence à chaque fois, comme celle au Glob ?

Non pas à chaque fois, car le fait d’avoir une date limite à laquelle on doit présenter quelque chose est à double tranchant : ça encourage le travail efficace pour avoir quelque chose de prêt, mais d’un autre côté, ça peut empêcher de travailler sur un autre aspect de la création, donc on manque peut-être quelque chose. Mais ce que je peux te dire, c’est qu’on sera en résidence à l’Atelier des marches début juillet, et on aimerait peut-être jouer aux Campulsations.

Et sinon, d’autres projets à venir sur le court ou long terme ?

Alors, je jouerai une performance de 10 minutes, seul, lors d’une soirée partagée dans le cadre du Printemps des Marches, les 28 et 29 mars prochains.

Dernière question : le nom « Camera Obscura », c’est bien une référence à la photo ?

Oui, bien sûr, c’est une référence à la chambre noire et à la question de la lumière. J’avais d’ailleurs utilisé des lampes torches dans mon premier spectacle. Ce qui m’intéresse avec la chambre noire, c’est le principe de l’image inversée et renversée : elle est identique, mais différente. Comme ce que je te disais avec les objets du quotidien : ils sont simples, mais quand on les détourne, ils deviennent bizarres, alors que ce sont toujours les mêmes objets. C’est une technique très utilisée par les peintres d’ailleurs. Ce jeu d’enlever la lumière et la remettre, permet de ne pas tout donner au spectateur et d’éveiller son imagination.

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Plusieurs projets sont donc à venir pour la Compagnie Camera Obscura : le Printemps des Marches, les Campulsations… Plein d’occasions pour vous de les retrouver sur scène et de voir leurs créations qui vous laisseront rêveurs…

Site web : http://ciecameraobscura.wixsite.com/cie-camera-obscura

Facebook : https://fr-fr.facebook.com/CieCameraObscura/

Vimeo : https://vimeo.com/user39433768