Darwinisme pop, étape 2

« Vieil océan, il n’y aurait rien d’impossible à ce que tu caches dans ton sein de futures utilités pour l’homme. Tu lui as déjà donné la baleine. Tu ne laisses pas facilement deviner aux yeux avides des sciences naturelles les mille secrets de ton intime organisation : tu es modeste. L’homme se vante sans cesse, et pour des minuties. Je te salue, vieil océan ! »

Ces premiers chants de Maldoror signés Lautréamont « aka » Isidore Ducasse montrent bien que le combat océanique se joue sur tous les fronts, y compris musicaux et poétiques. Car même quand on ne croit plus en rien il reste cette voûte harmonieuses aux vagues de cristal qui empêche de désespérer tout à fait, même si l’on vient encore de trouver deux baleines mortes d’avoir avalé trop de sacs plastiques (pas sûr que le goût soit terrible en plus).

Quand un festival appelé « Ocean Climax » est apparu non loin de la côte Atlantique, dans une ancienne caserne militaire de la rive droite bordelaise, curieusement appelée « Darwin », on n’a pas tout de suite établi de rapport. Pourtant, en questionnant le programmateur du festival Franck G. Bastiat, on sent bien que l’Océan malgré les dangers qu’il encourt continue de « brasser » idées, sons, personnes, et saveurs dont seuls les « darwiniens » semblent pour l’instant avoir le secret. Tout se mélange, sans jamais être au même niveau de la mer (ni de l’amer en clin d’œil à un vieux groupe bordelais) : Air, Edgar Morin, De La soul, Nicolas Hulot, Cassius, Hubert Reeves, Métronomy et Ségolène Royal sont sur un bateau et que se passe t’il ? Les préjugés tombent à l’eau.

Enfin… Pas tous. Car à Bordeaux comme ailleurs, ces initiatives transgenres dérangent toujours un peu. C’est à la fois la fraîcheur et la cruauté du darwinisme des origines comme nous l’explique Franck Bastiat, qui répond aux questions d’Happe:n en tant que co-programmateur avec François Xavier Levieux (Vie sauvage – Get Wet) du futur mastodonte européen des festivals, ce qui est du moins son ambition. Et la nôtre, un peu !

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Après la nouveauté de l’an passé, quel est l’enjeu de cette deuxième édition ? Devenir une caisse de résonance sur les causes environnementales ?

Nous nous sommes lancés en 2015 dans cette folle aventure pour célébrer les 25 ans d’actions de l’ONG Surfrider Foundation Europe et avec l’ambition de porter la voix des océans lors des conférences de la COP21 à Paris. La dimension hybride, éclectique et multiculturelle de ce festival nous semblait être la meilleure façon de mobiliser et sensibiliser la population autour d’un combat qu’il nous parait urgent de mener. Le bilan -évidemment perfectible- mais largement encourageant en terme de fréquentation, de qualité d’interventions et de couverture médiatique nous a poussé à nous relancer pour une deuxième édition, en étendant notre plaidoyer autour du climat et des réfugiés, deux problématiques intimement liées et ce, à travers le prisme des océans. L’enjeu de cette deuxième édition est d’amplifier la portée de la mobilisation, notamment grâce à la participation autour de Darwin, Surfrider et d’Emmaus de plus de 20 ONG, 20 conférenciers de renom, 30 artistes, des riders et des street artistes. Plus qu’une caisse de résonance, notre festival a l’ambition de faire bouger les lignes, en gardant l’idée que la société civile doit s’emparer de ces sujets, et que l’urgence est à l’adaptation. C’est le sens de l’ALERTE DE DARWIN que nous co-rédigeons avec l’ensemble des ONG qui interpelle la classe politique et l’exhorte à lancer un plan de sortie de l’exploration et exploitation des énergies fossiles. Cette alerte invitera également un sursaut citoyen sur ces défis afin d’éviter le pire.

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Est-ce que les Science talks et les shows musicaux ne s’éclipsent pas mutuellement ? Y a t-il une vraie complémentarité ?

Le festival s’étend sur tout le site de la caserne Niel, friche militaire de plus de 7ha sur la rive droite, et s’articule autour de 2 zones et 2 temporalités : une partie libre d’accès en début de journée qui abrite toute la programmation des conférences, le village des ONG, le skatepark, les œuvres de street art, et une partie payante à partir de 17h avec l’accès aux 2 scènes de concerts. Le tout cohabite naturellement, en évidente complémentarité de publics, de sens, de messages, d’intensités et de temps. C’est à travers cette mixité de format, de lieu et de typologie d’événements que nous souhaitons offrir une expérience unique aux festivaliers.

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DARWIN-OCEAN CLIMAX VORTEX

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Vous semblez avoir vu beaucoup plus grand en termes de programmation musicale sur cette édition, notamment avec De la Soul qui fait son grand retour… L’enjeu à terme est il de devenir un festival de type Rock en Seine ou Transmusicales avec une touche intello/responsable en plus ?

La programmation de la première édition du festival s’était organisée avec les moyens du bord en utilisant notre réseau et en s’adressant des artistes sensibles à la démarche, à la cause ou au lieu ; C2C, Etienne de Crécy, Tiken Jah Fakoly, Citizens, Allah Las, Peter Von Poehl – pour ne citer qu’eux – avaient répondu présents. À la hauteur d’une ambition grandissante, nous souhaitions cette année que la programmation musicale prenne en épaisseur et en cohérence. Ravis d’entendre que cela se ressent et difficile de cacher notre fierté d’accueillir ce line up éclectique, solaire et racé pour une seconde édition ! C’est le travail que nous menons en programmation avec François-Xavier Levieux (coproducteur) et notre objectif est évidemment de gagner une réelle crédibilité. Mais si nous devions citer des exemples en terme de typologie de festival, nous évoquerions plutôt SOLIDAYS ou encore WE LOVE GREEN avec qui nous entamons un partenariat cette année. Au delà de la dimension « intello » que nous essayons d’éviter, c’est plutôt l’acte militant, l’engagement et la notion de responsabilité que nous visons.

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Toujours sur la prog, il y a une belle place réservée à la pop bordelaise (Bengale, Cliché, Ariel Ariel…) est-ce que cette scène est toujours aussi vivace ? Bordeaux mérite t-elle toute cette attention médiatique et si oui quelle place compte jouer Darwin dans cette reconquête ?

Bordeaux est incontestablement une ville au patrimoine musical fort et prégnant. Historiquement bercée par la scène garage et rock, on vit aujourd’hui les belles heures de la pop bordelaise mais ça ne s’arrête pas à ce cliché; Odezenne ou Darius sont les plus beaux exemples du succès d’une autre facette musicale de la ville. Ce dynamisme se ressent dans la programmation et l’activité des acteurs majeurs tels que l’iBoat, le Rocher Palmer, les festivals HorsBord ou encore Vie Sauvage. Dans ce paysage culturel riche et en pleine ébullition, Darwin – l’écosystème de la caserne Niel est avant un tout un lieu exceptionnel et la promesse d’une expérience particulière. Notre festival en est une superbe vitrine. C’est dans cette dynamique que nous souhaitons œuvrer, collaborer et coconstruire des projets, en gardant en tête le maître mot de Charles Darwin: s’adapter ou disparaître.

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Site du festival : oceanclimax.fr