La voiture qui tombe

ou le nouveau QG d’une manifestation commençant par nov et se déroulant au mois d’oct.

Soir d’octobre, errante dans une rue bondée, contemplant la masse humaine qui se déplace au grès du bitume – corps zigzaguant, méandres humains affairés à participer au plus vite à l’ère de la consommation – je m’arrête un instant pour observer une voiture prête à s’écraser au sol… Suspend du temps, si furtif qu’il ne laisse pas d’ange passer…

Ambiance.

Mon regard se pose alors sur l’entrée d’un lieu mystérieux où Madame Mathilde, femme uni-irisée, corps filiforme, cigarette à la bouche m’accueille. ‘Bienvenue chez moi’ dit-elle de sa voix masculine. Sa bouche se tord alors dans ce qui semblerait être un sourire, le temps d’un éclair, tout aussi rapidement effacé qu’esquissé. Attirée par cet étrange réception, j’entre dans le fief d’une parade humaine particulière.

‘C’est le QG Novart’ me dit-on. Drôle appellation pour un hall hybride entre marché fermier, cocktail party et fête foraine. Le sofa installé à l’entrée, recouvert d’un plaid sépia, fait penser au cabinet du docteur vieillissant, addict à la cocaïne, qui entrait dans la tête de ses patients pour leur extirper leur trauma d’enfances…. C’est à cet instant précis qu’une petite voix, insérée sous mes boucles rousses, me susurre langoureusement : « Que va t’il se passer ? Est-ce une secte prête à m’emporter dans la nuit vers un ailleurs dangereux ? »

coiffure novart

(c) Pierre Planchenault

Un barbier, assis à l’arrière de l’étal d’un boucher, rasoir à la main attend son prochain client. Dans une vitrine des petites peluches bigarrées s’empilent, se pendent, s’embrochent sur des crocs en suspend. Un homme, de stature imposante, malmène les tignasses de femmes assises, qui ne semblent pas se soucier le moins du monde de ce dangereux crêpage menant à de sordides coiffures. Mon pas se fait de plus en plus rapide, haletant, je cherche des yeux la sortie, passe devant un cimetière sans cadavres… C’est alors qu’un groupe d’individus agglutinés près d’un urinoir, s’extrait d’un nuage de fumée de cigarette pour attraper mon bras….

(c) Pierre Planchenault

(c) Pierre Planchenault

La peur me tiraille, mais je décide de le cacher. Ils tentent de me séduire en me proposant une boisson alcoolisée et même… un repas aux chandelles au centre d’un espace rempli de tables et de chaises. J’accepte pour ne pas me mettre en danger. De malicieux maraîchers sortent leurs couteaux. Pour ne pas m’inquiéter, ils s’en servent sur des huîtres, mais je sais….

danse casque novart

(c) Pierre Planchenault

Soudain, mon attention est absorbée par un étrange bal silencieux, caméra sans son, les corps se meuvent au grès de l’absence de musique. Lorsque je m’approche, je découvre des casques enserrant leurs oreilles, la complicité dans leur regard donne à penser qu’ils sont heureux. Le bonheur est peut être quelque chose qui nous échappe lorsqu’il ne nous appartient pas. Extérieure à cette communauté, je suis fascinée par la contemplation des sourires, le pétillement de ces êtres qui exaltent… La sensation de danger s’apaise doucement… Je me laisse aller… La halle quasi vide en début de soirée est bondée. Ils sont de plus en plus nombreux, la masse m’empêche d’atteindre la sortie, je n’ai plus la force de m’échapper. Le reste m’appartient. Comme le dit si bien mon ami Victor,  »Ami, cache ta vie et répands ton esprit ». Pourtant une image demeure,  »Je ne sais plus quand, je ne sais plus où, Maître Yvon soufflait dans son biniou. »

C’est ainsi que ce soir d’oct, je me suis retrouvée en nov, errante, perdue au milieu d’une foule conquise par un espace cabalistique. Un conseil, n’y mettez jamais les pieds, ou vous aussi, vous serez pris au piège de cette secte artistique.

A un poète recueil : Les rayons et les ombres ,Victor Hugo
Choses du soir recueil : L’art d’être grand-père,  Victor Hugo

http://www.novartbordeaux.com
http://www.novartbordeaux.com/lieudevie/

Toutes les photos du QG par Pierre Planchenault