Marc Montméat, le photographe et le territoire

Rencontre avec le photographe qui vient de publier ses deux premiers ouvrages.

J’avais découvert Marc Montméat l’année dernière à l’occasion de son exposition sur les grilles du jardin des Dames de la Foi à Saint Genies. Nous avions pris le temps de discuter et le personnage m’avait, comme son travail, semblé très intéressant. En apprenant qu’il allait sortir un bouquin avec la maison d’édition Ici et Là, Reportages poétiques, je me suis dit que ça vaudrait le coup de le rencontrer pour en savoir un peu plus sur lui, sur sa manière de travailler et de voir la photographie.

Très grande disponibilité, contact pris. On se retrouve devant la bourse du travail alors qu’il vient de valider les épreuves de son livre chez Ici et Là. Tour d’horizon rapide, un bar PMU. On se pose un peu à l’écart des postes de télé et des habitués pour une conversation à bâtons rompus.

Photo P.Lansac

 Question bateau à laquelle personne ne sait jamais vraiment répondre. Peux-tu te présenter ?

Difficile de savoir par où commencer… Aujourd’hui, j’ai deux boulots. Je cumule un emploi de fonctionnaire comme conseiller de probation et d’insertion depuis une quinzaine d’années. Je travaille sur la réinsertion des personnes condamnées par la justice. Je travaille soit en prison, soit en dehors. J’ai commencé dans un établissement pénitentiaire à Lille et j’ai tout de suite éprouvé le besoin de sortir de l’univers carcéral. On m’a offert un appareil photo et j’ai commencé, tout simplement, à prendre des photos dans la rue.

C’est devenu une passion qui a pris de plus en plus de place jusqu’à ce qu’en 2009 je décide de participer à un concours pour essayer de savoir ce que valait mon travail. Les choses se sont alors emballées. Il y avait alors une plate-forme sur Internet qui s’appelait «  SFR jeunes talents  » et qui organisait des concours. J’ai remporté un premier concours sur le thème de la rue qui m’a permis d’être exposé à Toulouse mais surtout d’être sélectionné pour un grand concours national. Pour faire court, j’ai fini lauréat de ce grand prix «  SFR jeunes talents  » ce qui m’a permis d’exposer aux rencontres d’Arles et à Paris photo. C’était un peu la Star Ac’ et malgré les apparences et avec le recul, ce n’était pas forcement un avantage. C’est très valorisant sur le moment mais après il faut savoir rebondir. Cela permet d’avoir instantanément une très grande visibilité mais il faut garder la tête sur les épaules. Voila comment les choses ont démarré pour moi. Aujourd’hui grâce à cela, je peux conjuguer mon activité professionnelle et la photo.

photo extraite de la série « Prisons ». M. Montméat

Quand on consulte ton travail sur ton site Internet, on voit que l’univers carcéral est présent…

Oui, j’ai travaillé sur deux séries liées à la prison. Au départ, j’appréhendais de travailler sur la prison. Je ne savais pas exactement pourquoi je voulais faire cela mais j’avais envie de témoigner de l’environnement dans lequel je travaillais, une envie de montrer ce que je pouvais vivre dans mon quotidien professionnel.

En fait ce travail est à l’origine une commande qui venait de Polka magazine, en 2011. Plus tard, j’ai eu envie de la continuer en allant plus loin notamment sur la thématique du patrimoine carcéral. La France accueillait les détenus dans une majorité d’établissements anciens basés sur un modèle architectural issu des Lumières et où l’on venait à peine de bannir les châtiments corporels. Ça m’intéressait de conserver un témoignage basé principalement sur le lieu. Lieux de passages, promenades, murs d’enceintes mais aussi comment la ville s’était organisée autour puisque un certain nombre de ces prisons étaient construites dans le centre des villes.

Il se trouve qu’au même moment, le ministre de la justice a lancé un programme visant à fermer ces vieilles prisons pour ouvrir de nouveaux établissements hors des villes, uniformisés et pensés très différemment. Dans ce cadre, j’ai été le dernier photographe à visiter la prison de la Santé avant qu’elle ne ferme pour 5 ans de travaux.

Au final, il y a deux projets différents. Le premier témoignait de mon quotidien quand le second se concentrait sur l’aspect historique du lieu. Aujourd’hui, le second projet avance difficilement car il est compliqué d’obtenir les autorisations pour accéder à ces vieilles prisons délabrées qui sont destinées à être rasées.

photo extraite de la série « Prisons ». M. Montméat

Tu viens d’indiquer que quand tu avais commencé cette série, tu ne savais pas vraiment pourquoi tu le faisais. Quand tu démarres un travail photographique, est-il habituel que tu le justifies à posteriori ?

Je suis autodidacte et au départ, j’avais une démarche très amateur et je ne me posais pas de questions sur ce que je faisais ; mais en exposant, les personnes qui voyaient mon travail souhaitaient en parler avec moi, j’ai compris qu’il fallait que j’explique ce que je faisais, ce que je voulais dire. A l’origine, je n’avais pas compris qu’il fallait démarrer par la conceptualisation du projet avant de se lancer. Pour la prison, c’était une envie assez naturelle car ça réunissait mes deux univers. Mais ce que j’ai voulu dire en sélectionnant telle ou telle image, c’était plus difficile et ce n’est venu qu’en cours de route.

Aujourd’hui, je prends de plus en plus conscience qu’il faut d’abord réfléchir et même définir ce que l’on veut interroger, ce qui permet d’être beaucoup plus efficace pour la suite.

 « Solitudes urbaines », la série présentée sur les grilles du jardin des Dames de la Foi avait été pensée en amont ?

 Oui et non. Certaines photos sont assez anciennes mais en réfléchissant sur ces images, j’ai pu trouver ce que je souhaitais dire et j’ai pu l’appliquer plus facilement.

Photo extraite de la série « Solitudes urbaines ». M. Montméat

 Quels sont tes projets photographiques du moment ?

 Jusque là, je n’avais jamais vraiment travaillé avec un éditeur. Dans la continuité de mon travail sur les prisons, j’ai eu l’opportunité de travailler sur le chantier de la construction de la LGV entre Tours et Bordeaux. J’habitais à Angoulême et le chantier passait à proximité. Je pensais qu’il serait intéressant de conserver une trace de ce chantier. J’ai donc contacté des responsables de chez Vinci et de la SNCF qui ont validé mon projet. Ça a été un travail au long cours puisque j’y ai passé 5 ans depuis 2012, 5 ans de photos qui se sont accumulées sans être diffusées en vue d’une publication qui va avoir lieu.

Par ailleurs, dans le cadre du festival photo 10/10, Bruce Milpied m’a invité à exposer mes photos de prison à la bibliothèque de Mériadeck en février 2016. A cette occasion, j’ai rencontré les autres photographes et l’éditeur Ici et Là, qui exposait le premier volet de sa collection « Territoires ». J’ai beaucoup aimé le concept de la collection, deux territoires qui dialoguent et se confrontent. Il se trouve par ailleurs que Nicolas et Marion de la maison d’édition intervenaient aussi en prison. De plus, ils souhaitaient publier quelque chose sur Lourdes et j’avais envie de m’intéresser à cette ville que j’avais déjà visité. Les choses se sont donc faites assez naturellement.

Pour ce projet, je devais travailler en noir et blanc et je disposais de 10 jours que je pouvais segmenter comme je le souhaitais. J’y suis allé une première fois le jeudi de l’ascension pour avoir plein de monde. La seconde fois j’y suis allé lors d’un pèlerinage de militaires dont on m’avait parlé. Tout tourne alors autours de l’armée et l’on redécouvre les liens entre l’armée et l’église, c’est assez particulier.

Le premier ouvrage sur la LGV présente des photos couleur quand le second est en noir et blanc, as-tu une préférence pour l’un ou pour l’autre ?

Je suis beaucoup plus à l’aise avec le noir et blanc. La couleur me semble être un langage plus complexe, on rajoute une dimension supplémentaire, là où le noir et blanc permet de se concentrer uniquement sur la lumière. Le noir et blanc me semble une approche beaucoup plus minimaliste et je me sens plus à l’aise avec cela. Mais cela ne m’empêche pas de travailler en couleur.

Quel est ton point de vue par rapport à la technique en photographie ?

Je ne suis pas du tout un exemple, je n’ai pas de formation, je ne me suis posé aucune question technique et j’avoue que ce n’est pas mon soucis principal. Quand je vois un bâtiment, je ne me pose pas la question de savoir comment il a été construit, je cherche plutôt à savoir s’il me plaît et pourquoi il me plaît. Je m’intéresse surtout à l’émotion que suscite une image mais je comprends tout à fait que l’on puisse être très attaché à la technique et au matériel.

Photo extraite de la série « Solitudes urbaines ». M. Montméat

Des projets à venir ?

 Des vacances après le projet sur la LGV qui m’a tout de même pris beaucoup de temps ! Il est possible que je passe par une période blanche, un temps calme avant de passer à autre chose… mais j’ai déjà des idées. Je pense à quelque chose autour de la ville et de la notion de territoire mais les idées restent encore embryonnaires. Par ailleurs, il est probable que je fasse aussi de la promo pour les deux ouvrages qui viennent de sortir et avec éventuellement une expo sur le projet de la LGV. Enfin, il faut dire que mener de front mon activité dans le milieu carcéral, ma pratique photographique et ma vie de famille n’est pas forcement tout le temps évident donc un break peut faire du bien.

Une bonne heure a passé sans que nous ne nous en rendions compte. Les clients du PMU sont toujours scotchés devant les écrans et commentent les dernières courses de chevaux. J’appréciais ce que j’avais vu de son travail, j’en ai appris un peu plus sur sa photo et sur l’homme qui était derrière ces clichés. Et ce que j’ai découvert m’a plu…

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à aller faire un tour sur le site internet de Marc Montméat ou sur celui des éditions ici et la Reportages poétiques.   

Par ailleurs, Marc Montméat exposera sa série de photographies sur Lourdes lors des mercredis photographiques le 31 mai prochain rue Vieillard à Bordeaux.