DANS L’ATELIER DE | Margot Sokolowska | À l’Annexe B

Descendante d’une famille de dessinateurs, Margot Sokolowska tient depuis 15 ans un pari audacieux et unique. Faire de la peinture un jeu qui absorbe et captive. Elle a accepté de se confier pour nous en revenant sur son parcours qui a débuté en Pologne et se poursuit aujourd’hui dans un atelier situé à l’Annexe B dans le quartier Grand Parc de Bordeaux.

Peux-tu nous parler de tes débuts ? 

Quand j’étais petite, j’habitais à Lotz en Pologne et pour aller voir mes grand-parents, je passais à chaque fois devant l’école d’art qui se trouvait sur une colline. Je me suis toujours dit que c’était là que je voulais étudier et c’est ce que j’ai fait. Je pense que c’est aussi dû à mon père ingénieur qui dessinait beaucoup et à toutes les planches conservées de mon grand-père qui était aussi dessinateur.

Comment on étudie l’art en Pologne ? 

J’ai étudié à l’École des Beaux-Arts dans laquelle j’ai eu un très bon professeur : le peintre Julius Narzynski qui est de la génération de Dali. Autrement, il faut savoir qu’en Pologne, on fait quatre heures de dessin de modèle le matin et quatre heures de peinture l’après-midi. Autant te dire que j’ai complétement rejetée la figuration quand j’en suis sortie en 2001 et j’ai décidé de me lancer dans l’abstraction géométrique et la photographie.

margot sokolowska

Justement, qu’est-ce que tu as fait à la sortie de l’école ? 

J’ai essayé de me débarrasser de tout mon savoir, essayer de partir de rien. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler dans un Institut de génétique à Cologne où j’étais documentaliste photo chargée de prendre les patient en photos.

Comment on se retrouve à travailler dans les ateliers de l’Annexe B ? 

J’ai répondu à un appel à projet lancé par MC2A où j’ai déposé un dossier de candidature. Mes seuls critères c’était d’avoir un endroit silencieux et la lumière du jour. J’attache beaucoup d’importance au lieu de création. Mon environnement influence beaucoup mon travail. J’aime capter l’ambiance d’un endroit, le retranscrire sur la toile comme pour me noyer dans la peinture.

Margot Sokolowska maylis doucet

Parle-nous de ta dernière série de peintures

C’est une série qui s’appelle « terrains de jeux » ou « Terrain de (je)ux » qui est un jeu de mots. La recherche de titres est quelque chose qui m’a toujours beaucoup inspiré, surtout dans ma langue d’origine. C’est une série qui découle d’un hasard. Alors que je travaillais dans mon atelier de peinture en résidence en Allemagne, j’entendais les cris des enfants jouant dans la cour avoisinante. Lorsque j’ai quitté mon atelier le soir, j’ai senti une ambiance étrange, une sorte d’énergie. J’ai pris mon appareil photo et j’ai capturé ce moment, mes peintures découlent de cet instant.

Qu’est-ce qui te plaît dans ces terrains de jeu ? 

J’aime cette idée de régression assumée qui n’est pas du tout un retour à l’enfance mais plutôt un moment mélancolique un peu comme dans la gravure « melancholia » de Dürer. C’est un peu une continuité de ma thèse sur la mélancolie dans la peinture. Je pense que ces moments de vide sont importants pour l’Homme, ils nous rendent plus forts lorsqu’on en sort. C’est une sorte de dépression qui est vécue comme quelque chose de positif. Dans ces moments là, c’est normal de ne pas pouvoir créer. Dans mes peintures, je parle donc de cet instant où tu te débranches,  où tu rentres dans une sorte d’inertie. Lorsque j’étais navigatrice, j’aimais bien ce moment de suspension du temps où tu arrêtes le moteur et que le bateau continue.

Margot Sokolowska maylis doucet

Mais c’est toi dans les peintures non ? 

J’ai longtemps pensé que je ne pourrais jamais utiliser mon corps ou mon visage. C’est pourquoi j’ai longtemps fait de la peinture abstraite. Avant je faisais en sorte de garder de garder une distance entre les tableaux et le public. Depuis, il y a eu du changement, j’ai réduit les distance en les rendant plus accessibles avec la présence d’un corps. Mais, en tournant la tête, je crée en quelque sorte une figure universelle. Tout le monde a déjà eu ce sentiment de solitude.

L’une des choses les plus importantes pour toi  dans la peinture  ? 

Probablement, ce sont les proportions dans les formes. J’aime peindre avec des perspectives courtes. Par exemple, je crée des boîtes imaginaires, les mêmes que l’on retrouve dans les tableaux du Moyen-Âge. J’essaie de créer des espaces artificiels souvent raccourcis. Par exemple, je suis capable de tout reprendre pour décaler de quelques centimètres certaines formes. Je me suis rendue compte qu’il fallait que je réduise mes figures humaines dans les compositions pour qu’elles soient plus harmonieuses. D’ailleurs, certaines toiles me plaisent moins car les corps sont trop grands ou trop charnels. En fait, il n’y a rien de volontairement érotique dans mes tableaux.

Margot Sokolowska maylis doucet

Et la couleur dans tout ça ? 

J’ai toujours beaucoup aimé les contrastes de couleurs dans la peinture de Gauguin. Paradoxalement, j’aime aussi beaucoup les couleurs sombres de la peinture ancienne. Mais ce qui est le plus important, c’est la lumière réelle, celle qui transperce les vitres de l’atelier. J’aime aussi beaucoup que mes terrains de jeux se passent dans la nuit avec ces faisceaux de lumière aussi bien artificielle que lunaire.

Tu as un rapport très particulier à la nature non ? 

Lorsque je vivais au centre-ville de Lodz en Pologne, j’allais souvent chez ma grand-mère dans la forêt qui était très proche de la ville. C’était naturel pour moi d’être entre les deux. Par exemple, je trouve qu’il y a quelque chose de très beau dans les bâches ou les sacs en plastiques que l’on trouve dans la nature. Ce sont des réceptacles pour l’eau de pluie, des capteurs de la lumière naturelle, des couvertures pour protéger les vignes, etc…

Margot Sokolowska

Qu’est-ce que tu as fait ces deux dernières années ? 

J’ai été en résidence à Pujols en hiver 2015. Là, j’y ai réalisé trois grands tableaux monochromes bleu, blanc, rouge qui étaient concomitants aux attentats de Paris. C’est là que j’ai découvert les bâches plastiques qui protègent les pieds de vignes, motif que l’on voit souvent dans mes peintures en ce moment. Puis, je suis partie en Allemagne en résidence artistique. J’y ai réalisé un tableau hors série inspiré suite à une visite chez le baron de Schwandorf. Il avait une piscine qui était recouverte d’une bâche bleu avec des feuilles mortes et de la pourriture . Puis, j’ai réalisé une série de monotypes suite à la découverte du « Maibaum » une coutume celte qui  ressemble de très près à « l’arbre de mai » offerts aux élus en France. D’ailleurs, j’aimerais beaucoup continuer à travailler sur cette idée en proposant de rompre avec la verticalité inhérente à cet arbre. Pourquoi pas travailler dans Les Landes où la tradition est très présente. Autrement, dernièrement, l’une de mes photos a été exposée sur un écran géant au festival d’Arles.

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L’annexe B propose des visites d’ateliers les 3èmes samedis du mois. C’est par ici !

ou sur rendez-vous : margotsokolowska@gmail.com

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Cet article vous est proposé dans le cadre de la collaboration entre Happe:n & Wherart

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