« Multiples #1 » par le studio Tabaramounien

Du 4 mars au 23 avril 2011, le studio Tabaramounien lançait la première édition de la série Collection Multiples à la Galerie Tinbox.

Cette Collection Multiples organisée pour sa première édition à Bordeaux se veut annuelle, nomade et tient pour objectif de réitérer l’expérience avec d’autres artistes dans d’autres lieux : #2/Nantes 2012, #3/Roubaix 2013… Cette toute première exposition est donc l’occasion de se pencher sur cet intrépide défi que se sont lancés les artistes ayant répondu à l’appel et l’atelier Tabaramounien.

A l’heure d’une société qui fonctionne à tombeau-ouvert et qui utilise l’art comme autant de codes marketing, publicitaire et consorts, l’atelier Tabaramounien1 se lance le défi « Multiples #1 ». Redessinant les relations entre l’art et le graphiste même, le bien fondé de cette première collection – et des futures – entend provoquer les artistes les incitant à trafiquer les symboles, tordre les conventions, remodeler les formes, remettre en question leur production. Il ne s’agit pas seulement de décloisonner les disciplines et de mettre en place une énième exposition mais de bousculer la fonction du graphisme pour en libérer les conventions et arc-bouter de nouvelles perspectives de mise en image.

Entendons-nous bien cependant, rien de prétentieux dans cette démarche, excepté la nécessité de remettre en question, de voyager – car l’art est à bien des égards un voyage – et de se laisser embarquer par une poignée d’artistes volontaires.

Multiples donc : c’est ouvrir la création artistique en proposant une collaboration étroite, pensée de concert, à coups d’allers-retours entre les graphistes et artistes de sorte que l’exposition puisse être considérée comme une collaboration inédite. Expérimentale donc. Unique également.

Multiples encore, pour explorer de fructueuses rencontres en créant des « espace-temps » (Gilles Deleuze), proposer au graphisme un nouveau « partage du sensible » (Jacques Rancières) mettant en lumière des symptômes de créations originales.

Réintroduire le graphisme, outil de communication visuelle par excellence, dans la sphère de l’art, permet de sinon rendre, adouber ladite discipline de lettres de noblesses en la renvoyant à la source artistique, berceau esthétique et sensible, poétique et affranchi, loin des plateaux lumineux et plaquettes publicitaires. Voilà donc que s’offre à nous l’ouverture des possibles – puisque c’est précisément à ce moment donné, dans la faille créée entre graphisme et communication, au firmament de la rencontre que l’on entrevoit le multiple ; des multiples. En décloisonnant les disciplines, forçant à la remise en question des artistes participants, le graphisme est pris à contre-pied : là où il se destine à véhiculer un message clair, net et précis, on lui offre la possibilité d’un lâcher prise.

Dans cette première collection, sept artistes, aux pratiques hétéroclites, se sont frottés aux deux graphistes Yasmine Madec et Damien Arnaud : Anne-Marie Durou, Max Boufathal, Anne Colomes, Céline Domengie, Cathy Jardon, Laurent Le Deunff et Claire Soubrier. En confrontant ainsi leur pratique et leur réflexion sur l’art imprimé avec celle artistique, Yasmine Madec et Damien Arnaud inscrivent leur démarche dans une quête fructueuse ouvrant sur différentes formes de collaboration possibles et permettant par la même occasion de nouvelles lignes de fuites (graphiques et conceptuelles) pour les artistes participant à cette première série.

A bien des égards donc, on pourrait voir le projet « multiples » comme autant de déplacements, convergences et divergences, rencontres, digressions et transgressions de la forme, de la matière, de la forme sur les couleurs et des couleurs par rapport à la forme. Au message clair et compréhensible, rapide et direct se substitue un multiple trouble et ouvert, contemplatif et novateur. Il ne s’agit plus de donner la clef visuelle pour ouvrir la porte de la compréhension du message mais de proposer une boîte pleine de clefs avec, en face, autant de portes à ouvrir. Si cependant peu de place semble offerte au hasard, cela s’explique dans tout le travail en amont décidé de concert entre les graphistes et l’artiste, leur rencontre au préalable, leur collaboration artistique, esthétique.

Pause du graphisme dans une société de l’image où l’identification, la rapidité de réception et l’efficacité visuelle sont roi et reine d’une communication au présent qui avance à flux tendus, cette exposition est un souffle, une respiration, un entre-temps dans le rythme exponentiel du domaine de la publicité et de la communication.