Pierre et la Maison Spectre

Quartier Saint Michel, un lundi matin, Happe:n pousse les portes de la Maison Spectre. Café, collodion et rock’n roll… J’ai rencontré Pierre Wetzel.

Pierre Wetzel - © S.Goulvent

Pierre Wetzel – © S.Goulvent

On s’était donné rendez-vous à 10h… Mais il devait aller chercher de la culture à Cultura. J’arrive donc à 11h, devant les portes de la Maison Spectre avec des chocolatines. Pierre Wetzel m’accueille avec un bon café, un demi-sucre et un fond sonore de rock’n roll.

Qui est Pierre Wetzel ?

En quelques mots… Je suis originaire de Sartrouville, je suis venu faire mes études de LEA (Langues Étrangères Appliquées) à Bordeaux et j’y suis resté. Je travaille en tant que photographe depuis une vingtaine d’années. Aujourd’hui, Photographe Auteur, mon thème de prédilection est le portrait.

Comment as-tu découvert la photographie ?

C’est mon père qui me file son vieux boitier, un vieux Contaflex, quand je pars en Irlande, je découvre alors la photo. Je l’utilise beaucoup à partir de ce moment là, ça a été vraiment un “déclic” (désolé pour le jeu de mot de merde…). Je me suis acheté tous les objectifs qui correspondaient à ce boitier qui était déjà vieux, donc pour les trouver… un peu par hasard à Berlin, entre autres. Ensuite, j’ai commencé à vendre quelques photos de groupes de musique par ci par là, en noir et blanc.

Le Colisee - © P.Wetzel

Le Colisee – © P.Wetzel

Pourquoi le choix du noir et blanc ?

Je ne sais pas… Je pense que le noir et blanc permet de transformer une certaine réalité. C’est aussi quelque chose que l’on a moins tendance à dire mais faire une photo couleur c’est plus difficile… Techniquement, parce que « faire rêver » (c’est un grand mot) mais de donner un côté un peu “hors réalité” avec une photo couleur, c’est un exercice qui est peut être un peu plus difficile. On peut du coup, se réfugier derrière le noir et blanc. Une photo, faut qu’elle soit pertinente. Que ce soit en couleur ou noir et blanc, j‘aime bien quand ça te touche, que c’est brut et que t’aies pas de mal à la comprendre. Je suis quelqu’un de très simple au final. Ça t’arrive dans la tronche, tu le prends et voilà, c’est ça une photo !

C’est aussi pour cela que tu fais essentiellement la photo de portrait ?

Ouais, tout à fait ! La photo de portrait, c’est l’échange entre deux personnes ou plus, et ça, c’est quelque chose que j’adore faire et que je manipule assez bien.

Exemple tout con : on me demande parfois « comment je vais faire, comment je vais poser » et là tout de suite je rassure la personne, c’est à moi de faire la photo, de la trouver… Hormis, les gens qui ont vraiment l’habitude de poser et qui adorent ça, là c’est la cerise sur le gâteau ! On arrive a fabriquer quelque chose ensemble, c’est encore plus simple.

Pierre Wetzel - © S.Goulvent

Pierre Wetzel – © S.Goulvent

À quel moment tu t’es dit  » je suis photographe, et je le reste  » ?

J’avais trois possibilités, les études, la musique et la photo qui étaient trois choses qui pouvaient me guider dans la vie et pour lesquelles je pouvais bosser après. J’ai eu ma maîtrise LEA mais ça ne me correspondait pas, j’avais pas envie de faire du commerce, de bosser pour des offices de tourisme etc … J’avais la musique, j’ai été batteur pendant 10 ans puis j’ai arrêté parce que ça ne me correspondait plus trop. J’ai fait de la photo de scène parce que j’ai vécu l’expérience de monter sur scène, avec les contraintes des déplacements… Par contre, monter sur scène, c’est une des choses les plus folles qui puissent exister, il y a une montée d’adrénaline qui est incroyable. Ça… ça me manque, mais le reste, non. Finalement, c’est la photo qui a pris le dessus.

Ancien musicien, photographe et aujourd’hui Collodioniste ?

Je voyais les photos des collodionsites dans le monde et essentiellement américains. Ce truc ne me laissait pas indifférent. J’étais complètement fasciné par ce rendu là.

Pierre Wetzel

Le collodion c’est du coton de poudre, un explosif au départ et aussi un médicament. C’est donc l’émulsion que tu vas appliquer sur la plaque de verre qui devient photosensible lorsque tu la trempes dans le nitrate d’argent.

Je ne suis pas du tout chimiste, c’est une chose qui me dépassait complètement. J’en parle avec un ami qui s’appelle Thomas Larue, et lui explique que ce serait bien qu’on fasse un truc dans cet esprit là.  Nous avons donc enclenché une sorte de collaboration et c’est comme ça que c’est parti. J’ai plusieurs Chambres photo en bois, de plusieurs tailles qui datent du début XXieme, ce sont des appareils à soufflet. C’est du travail à l’ancienne. On met le draps noir et un dépoli derrière pour faire la mise au point.

Pierre Wetzel

Quand j’ai commencé à tester le collodion, Didier Estèbe du Krakatoa a aussi complètement flashé sur le procédé et du coup, on a mis ça en place. Cela fait déjà quasiment 20 ans que je fais des photos au Krakatoa. Et c’est marrant parce qu’il y a plein de gens qui me demandent si je vais continuer au Krakaota cette année… comme si, je n’y avais jamais été. C’est un renouveau, j’allie le coté vieux avec les portraits d’artistes, de musiciens essentiellement. J’intègre ma façon de faire à la musique parce que ça a toujours été ça.

EODM - © P.Wetzel

EODM – © P.Wetzel

Tu as créé la Maison Spectre à Bordeaux, Tu nous racontes ?

Je cherchais un local depuis un certain temps. J’ai envoyé des bouteilles à la mer à plusieurs organismes, à des agences immobilières, à tout le monde…j’y expliquais mon projet. InCité a répondu 2 mois après, je ne m’attendais même plus à cette réponse, je ne pouvais pas prendre le local tout seul, j’ai donc trouvé l’idée intéressante de le prendre à plusieurs… 

La Maison Spectre c’est une collaboration. On appelle ça une « collocation créative » plutôt qu’un co-working. L’idée était de partager un lieu mais aussi des idées.

Qui peut-on rencontrer à la Maison Spectre ?

Guillaume Gwardeath, rédacteur et manager culturel. C’est à lui au départ, que j’ai proposé cette collocation. 

Estelle Martinet, qui est Chargée de production et de diffusion dans le spectacle vivant. Ça fait longtemps que je la connais aussi.

Greg Vezon que je ne connaissais pas mais qui est un ami de Guillaume et qui lui, est dans le graphisme et la musique.

Nous n’avons pas vraiment de choses qui nous rassemblent de façon créative mais des idées se mettent en place petit à petit. Je ne voulais pas de photographe, je voulais vraiment, cette fois, faire quelque chose seul.

Elisa-Dignac - © P.Wetzel

Elisa-Dignac – © P.Wetzel

Qui aimerais tu plaquer ?

AH …. y’en a plein.. là tout de suite David Bowie. Mais aussi, j’aimerais bien faire des portraits de gens du cinéma. Un mec comme Rochefort ou comme Galabru… Je trouve qu’ils avaient des gueules, ils n’ont pas fait du cinéma pour rien. J’aurais bien aimé aussi un duo d’artistes sud africain, Die Antwoord (avec l’accent hollandais), ils ont un univers… C’est très violent eux aussi visuellement.

On lance un appel ?

Cher David Bowie, si tu m’entends, passe donc à la Maison Spectre !!! On boit un café, on fait deux plaques, une pour toi et une pour moi !!!

Banquise - © P.Wetzel

Banquise – © P.Wetzel

On peut te trouver à la Maison Spectre le jour, mais où te caches tu la nuit ?

Quand je ne suis pas en concert, je suis chez moi et quand je suis pas chez moi, je suis à des événements ou dans mon petit Wunderbar que j’adore.

Une série en cours, des projets ?

Une série sur une triple expositions. C’est une nouvelle série que je suis en train de commencer. Le principe est assez simple ; je fais trois expositions différentes d’une même personne pour faire une surimpression. Généralement la prise de vue tourne autour de 3 à 4 secondes. Je ne sais pas encore comment je vais l’appeler…

J’aimerais bien continuer le projet que j’avais commencé rue Camille Sauvageau, qui était de faire des photos de commerçants, sur plaque, devant leur boutique. Cela se fera quand j’aurai un peu plus de temps.

Chez ta Mère- © P.Wetzel

Chez ta Mère- © P.Wetzel

Tu nous racontes une anecdote ?

Ma première photo, le premier collodion au Krakatoa en mai 2015. Donc après un mois de collodion et pas très sûr de moi, je voulais faire un test avec le régisseur de la salle pour ne pas emmerder le chanteur. Sauf qu’une fois le châssis chargé, je recroise le chanteur et je lui dis, qu’au final, je ferai le test directement lors de la prise de vue. Il est ok, on fait la photo, elle fonctionne.  Et… toutes les autres de l’après-midi ont foiré. Conclusion, si j’avais fait mon test sur le régisseur, je n’aurais pas pu faire la photo de David Eugene Edwards de Wovenhand.

Wovenhand - © P.Wetzel

Wovenhand – © P.Wetzel

Quel est ton gros mot préféré ?

Putain de merde

Des artistes Bordelais à nous faire découvrir ?

J.C.Satàn que j’adore ! Dans la musique, j’aime bien ; Lonely walk, Zoro du cul , Magnetix… Dans le milieu photographique je connais très peu de personnes, je suis plus proche du milieu de la musique, mais je suis le travail de Toums, Miguel Ramos, Jéremy Mazenq et Tomas Smith que j’ai découvert dernièrement.

Pierre Wetzel - © S.Goulvent

Pierre Wetzel – © S.Goulvent

Le dernier mot de Pierre Wetzel ?

Une citation que je pique volontairement à Sergent Papers qui font des stickers avec des tas de citations détournées : Le monde appartient à ceux qui se lèvent.

Toujours et encore un peu plus…

La page Facebook de Pierre Wetzel et de la Maison Spectre.

Pierre Wetzel s’expose ici et là.