Qu’est-ce que FACTS ?

Rencontre avec Vanessa Oltra, Directrice du festival, et Nicolas Villenave, artiste associé.

FACTS ou pour ceux qui aiment soulever le mystère de l’acronyme : le Festival Arts Créativité Technologies et Sciences. Le premier Festival Arts et Sciences de l’Université de Bordeaux ouvre ses portes du 17 au 29 novembre et se propose d’explorer les différentes facettes qui unissent ces deux domaines, le long d’un fil rouge : la lumière. De quoi réveiller pas mal de curiosité ! Qu’est-ce qu’un festival porté par une université ? Où commence l’art ? Où s’arrêtent les sciences ? Est-ce que ce sont deux univers naturellement opposés ?
Afin d’irriguer notre curiosité, on a entamé la discussion à deux reprises…

Campus de Pessac, bât. E, 16h, sortie de cours.

Rencontrer Vanessa Oltra, c’était replacer le festival dans son contexte.
Suite à la fusion des universités au 1er janvier 2014, une nouvelle compétence émerge avec la mission « culture arts et sciences » dont Vanessa Oltra est chargée. Concrètement, les rôles de la chargée de mission sont variés. Avant que tout ait commencé, il y a eu une période de six mois pour interroger le territoire, c’est-à-dire pour savoir si les acteurs et opérateurs culturels, tout comme les artistes, étaient prêts à rentrer dans l’aventure. Drôle de manière de voir les choses me direz-vous, n’est-ce pas plutôt du côté des chercheurs qu’il aurait fallu mener ce genre d’enquête ? Ce serait oublier que la mission principale est de développer la ligne politique culturelle de l’université de Bordeaux à travers la définition du projet.
C’est là que la première casquette de Vanessa Oltra est nécessaire : maître de conférence et chercheuse en économie, elle connaît les UMR – Unité mixte de recherche – où enseignants-chercheurs et chercheurs du CNRS – les acronymes resteront acronymes dorénavant – se côtoient dans les laboratoires. Ainsi donc, l’univers scientifique attend, portes ouvertes, et même mieux, puisqu’il y a un panier garni en haut des marches. Comprenez, des « fonds », c’est le nerf de la guerre en les temps qui courent. Les universités sont en effet des lieux de ressources, en matière de connaissances tout d’abord, en matière d’outil aussi, sans oublier les moyens financiers qui l’accompagnent pour assurer le premier et le deuxième point. Définir le projet « culture arts et sciences » implique de penser le programme par rapport aux spécificités d’une structure universitaire. Par la légitimité du porteur, il a y donc des moyens mutualisé : l’IdEx, pôle d’excellence de l’université qui a aussi développé un volé « arts et sciences », le Conseil Régional, la ville de Talence, la Métropole. Au milieu de tout cela, porter la parole politique de l’université et la développer en plan d’action demande de la finesse. Le but noble étant de sortir de l’entre-soi, il faut construire des partenariats (avec le CAPC ou la Chapelle du CROUS par exemple) et adapter le projet à leur expertise en matière de culture. S’en suit un lancement d’appels à projet, auxquels répondent artistes et scientifiques en équipe binôme parfois, ainsi que les étudiants qui peuvent répondre à un des projets. Ce fonctionnement nécessite de mettre à plat le projet et de l’écrire pour le cadre de l’université. Une étape qui prépare aux contraintes à venir. À ce stade, on peut considérer que la machine est en marche.

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La difficulté du programme se situe à son point de départ… – comme la mayonnaise – il faut que ça prenne. Pour cela, la recette est de trouver les bonnes personnes et de dégager du temps. C’est là que la deuxième casquette de Vanessa Oltra est déterminante. Un parcours au Conservatoire d’art dramatique de Mérignac, l’écriture d’une pièce « Adam Smith, Le grand tour », jouée notamment au festival Fringe d’Édimbourg. Si le lien entre le programme « culture arts et sciences » et ce parcours personnel ne paraît pas déterminant, c’est qu’on oublie l’importance des histoires humaines. Édimbourg c’est aussi un grand festival de sciences, où Vanessa Oltra fait la connaissance en 2013 de Jan van den Berg et Andrea Brunello, que l’on retrouve à FACTS. Alors que l’on parle de ces souvenirs qui ont précédé de quelques mois l’offre de poste mission culture, la voix s’anime. On aborde en vérité la réelle motivation, celle personnelle et plutôt difficile d’allier la passion du théâtre à celle de l’économie. Une démarche expérimentale qui fait avancer la réflexion : un aller-retour vital entre recherche et action ; une réflexion aussi sur le rapport entre sciences et société. Pour alimenter cette remarque, le travail de Laurent Chiffolo est convoqué. Avec la proposition Reflets synaptiques, il évoque indirectement le rapport affectif du scientifique à son imagerie et à l’esthétique de son travail. En science l’imaginaire et la créativité, ainsi que l’envie sont aussi « utiles » que le bon sens. Les artistes sont qu’en à eux de grands chercheurs. Mais malgré toutes ces évidences qui rapprochent le chercheur-scientifique du chercheur-artiste, la rencontre ne se fait pas sans s’accompagner de la peur de ne pas se comprendre.

C’est pour permettre un langage commun que Vanessa Oltra est là à chaque première rencontre, car une fois de plus il faut que ça prenne. Un rôle de médiateur, presque impalpable, qui n’est pas officiellement dans les missions de Vanessa Oltra mais qui s’avère crucial. Les contraintes qui s’annoncent sont temporelles, personne n’a été présent en même temps. Il a fallu trouver de la disponibilité chez les chercheurs et les artistes ont dû s’adapter. Au total : une dizaine de laboratoires impliqués, plus de cinquante scientifiques et vingt artistes associés.

Pour finir, Vanessa Oltra insiste sur la place du festival dans le programme « culture arts et sciences » qui court sur le long terme. L’université n’étant pas créateur d’événementiel, la visée du festival est d’offrir un temps de représentation. Plutôt que de raconter ce qui se passe dans les laboratoires, autant partager l’expérience avec le public. Le tout autour d’une médiation artistique des savoirs.

Et après ? Le festival devrait devenir une biennale. L’année à venir sera ponctuée d’événements « arts et sciences » afin de continuer à nourrir la communauté sur le territoire. Il s’agira aussi d’essayer de diffuser les productions et de donner des conditions pour poursuivre la recherche.

Chapelle cachée du CROUS, 17h35, première séance du Chant du filament.
Nicolas Villenave trouve qu’il est un peu tôt, la nuit n’est pas encore venue. Si l’on prend un autre point de vue, la chose n’apparaît pas dérangeante : la présence des vitraux tout comme celle de la chapelle s’accentue subitement alors que les lampes s’éteignent dans un instant précurseur. Le bal est ouvert, le concert s’allume.

Il y a un son avant la lumière, enfin semble-t-il. Sur le qui vive, la tête se vide au fur et à mesure qu’elle perçoit les signaux discrets qui traversent l’étendue des 81 ampoules suspendues. Quand la lumière persiste, on croit même sentir la chaleur de ces objets de verre, et il faut dire qu’on la désire particulièrement, cette chaleur, quand dehors il pleut et il vente. Justement, ce rapport de l’Homme à la lumière est au cœur de la recherche de Nicolas Villenave. Un lien étroit unie la lumière à la chaleur depuis la nuit des temps car c’est bien le feu qui a accompagné la vie nocturne du genre humain. Ô incandescence qui touche à sa fin. À l’époque d’une bascule technologique et écologique vers la lumière LED dite « froide » – mais qui se réchauffe de plus en plus -, on peut prendre le temps de repenser les usages.

Le chant du filament -C-Nicolas Villenave-chapelle

Pour Nicolas Villenave, éclairagiste, c’est sur le plateau qu’il a rencontré les lampes ADE500 actuellement suspendues dans la chapelle. Ces lampes, comme certains types de sources de lumière, produisent une onde sonore. Même si l’on utilise l’expression « sonner les projecteurs » dans le milieu quand il s’agit de tester les lumières, l’anomalie n’en est pas moins un défaut, du moins sur le plateau. Nicolas Villenave, proche du réseau des musiques contemporaines, se met alors à faire des expériences en atelier, hors représentation scénique. Il soulève la particularité de l’éclairage scénique : celui-ci est pictural, il se compose en une succession d’images fixes. Le travail de l’éclairagiste, si on le résume rapidement, serait dans le « passage ». C’est dans cette démarche que Nicolas Villenave rentre dans un mode opératoire de chercheur, il y a quatre ans : penser l’œuvre liée à l’outil. En 2013, il rencontre Jaime Chao et Clément Bossut – tous deux développeurs – qui travaillent depuis lors avec lui sur l’intégration du logiciel I-Score à l’installation. C’est à ce moment là qu’il a été compliqué de comprendre le dispositif, du moins sous son angle scientifique. Disons simplement que pour l’instant un logiciel dicte les règles du jeu, par le biais d’algorithme, à la matrice que forme les lampes (neuf rangées de neuf lampes). Nicolas Villenave jouant sur le « passage », les comportements générés sont l’allumage, l’extinction et la gradation du temps d’allumage (« persistance »). La finesse de cette générativité (les algorithmes) se situe dans la fugacité de l’installation. Il s’agit d’inventer des phénomènes proches du vivant, de donner à ces lampes des petits degrés de vie. Les plus cartésiens se tiendront en dehors de la matrice de lumière, ceux qui n’ont pas besoin de repères s’installeront dessous, il suffit dans tous les cas d’être attentif. C’est avant tout « le chant du cygne du filament », une mélodie harmonieuse composée de sons pas nets, que Nicolas Villenave nous donne à percevoir. Quant au système informatique de l’installation, c’est surtout aux scientifiques de la comprendre.

Et après ? Trouver des fonds pour développer le logiciel en l’adaptant à l’installation. S’orienter vers d’autres expériences.

De l’orientation du programme « culture arts et sciences » vers les sciences, on n’a rien à redire – surtout pas sur l’émergence d’une politique culturelle au sein de l’université. De la volonté de sortir hors les murs, on ne peut qu’être d’accord – il faut bien que le festival rayonne sur son territoire s’il veut consolider le programme. Il est cependant moins évident de faire rentrer un public extérieur dans l’enceinte universitaire. Le fait est que le festival s’éparpille un peu alors qu’aucun point névralgique ne semble avoir été mis en place. Si bien que le travail de mise en relation des deux mondes s’efface par moment derrière la production. On rêverait plutôt d’une grande salle universitaire – ou des voûtes du CAPC un peu bousculées – où artistes, scientifiques et personnes lambda se côtoieraient de manière journalière autour d’un point de restauration…
Attention, à ne pas s’y méprendre, la curiosité est toujours là ! Il ne reste plus qu’à partir dans une chasse au trésor : FACTS est un peu partout. Pour cela, il vous faut vous munir d’un programme, d’une carte de la métropole et d’un œil si possible.

Les questions Happe:n

Une chanson pour remplacer le café du matin ?

Vanessa Oltra :

Nicolas Villenave :

Si je vous dis « livre » ?

Vanessa Oltra : Je pense bibliothèque, canapé et bonheur du dimanche matin avec un café.

Si je vous dis « arts visuels » ?

Nicolas Villenave : Je pense aux troubles des sens, au mouvement et à l’art cinétique.

Le festival FACTS se termine samedi 29 novembre.
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