SAM FLEISCH à Bordeaux Rock : Rencontre

C’est en terrasse d’un petit salon de thé au cœur du quartier Saint-Michel que je rencontre Sam Fleisch, non loin de là où le jeune prodige local jouera jeudi 26 janvier pendant la soirée Rock en ville.

L’ex-guitariste du groupe Crâne Angels et “activiste” au sein du collectif Iceberg vient à cette occasion nous faire découvrir son premier album Nunna Daul Isunyi récemment sorti chez Teenage Menopause. Une pépite folk lo-fi intimiste subtilement arrangée et follement jubilatoire. Discussion avec un petit gars bien sympa qui nous parle de son parcours musical et de son rapport à la scène bordelaise.

Bonjour Sam Fleisch, comment t’appelles-tu ?

Je m’appelle Sam Fleisch. C’est mon vrai nom. En fait, c’est un mélange subtil de ma vraie civilité : je m’appelle Sylvain, Albert, Marie Kalbfleisch. C’est donc vraiment moi !

C’est plus facile à écrire, surtout par rapport à mon nom précédent (Nunna Daul Isunyl, NDR).

Au départ, je m’appelais Docteur Cosmos. Mais quand j’ai été poussé sur scène par mes amis du collectif Iceberg, j’ai changé pour ce nom imprononçable, que je trouvais beau… En tout cas à l’écrit. L’expression, je l’ai découverte pendant mes études, via une prof géniale d’histoire des civilisations qui donnait un cours sur l’histoire des indiens d’Amérique. Mais je n’ai jamais réussi à la prononcer correctement en Cherokee. Et je ne la prononcerai pas ! Ensuite, j’ai voulu faire table rase de ce projet que je traînais juste dans les bars et passer à de nouvelles ambitions.

Au début, j’avais choisi un autre titre pour le disque, le slogan d’une pub pour Cadillac : « There must be an happy place, not so far away ». Je l’avais lu dans une BD sur les frères Lomax qui ont parcouru les États-Unis pour enregistrer le blues des noirs américains, la country, en gros toute la musique folk de l’époque (Lomax, collectionneur de folk song de Duchazeau aux éditions Dargaud, NDR)

Le titre actuel (Nunna Daul Isunyl) signifie donc Le chemin des larmes  : est-ce la couleur que tu voulais donner à ton album, celle d’une certaine mélancolie ?

C’était un peu mon « mood » de l’époque, un parallèle, un peu grossier, avec les souffrances que je ressentais à cette époque, un certain isolement… Je cherchais des choses qui résonnaient avec ce titre. C’est assez compliqué à expliquer, il faudrait que j’écrive plus amplement sur la raison de ce choix…

Les musiciens qui t’accompagnent sur scène participent-ils à l’écriture des arrangements ?

Pour le disque, je travaillais vraiment en solo, je faisais les trucs tout seul à la guitare. Maintenant qu’on est quatre, et qu’on se familiarise les uns avec les autres – les arrangements à la basse, notamment, sont assez libres, c’est mon amie Marion qui les fait – on commence maintenant à plus « arranger » en groupe.

Après pour les albums, je resterai assez solitaire niveau composition. Je ne compose à la base qu’avec une guitare, les autres idées viennent après. Et comme j’ai envie de chanter, je pars de la guitare, et j’attends un riff qui peut m’inspirer vocalement.

Ton univers, m’a fait penser à François Virot, notamment sur le doublement de ta voix, comme sur le morceau Our Hearts

C’est la première fois qu’on me dit ça ! J’ai lu qu’il sortait son 2e disque 8 ans après le 1er, ce qui me rassure parce que je suis particulièrement lent ! Il joue dans plein de groupes, en même temps, dont Clara Clara.

Pour Our Hearts c’est sûrement dû à une similarité de méthode d’enregistrement. J’ai juste écouté le single mais ce que j’entends est très innocent ; j’aime beaucoup ce genre de truc.

Alors que moi, je suis beaucoup plus « drama queen » ! Sûrement parce que j’aime beaucoup Nina Simone, et ce genre de soul. Les chansons de mon disque sont beaucoup plus dramatiques que l’univers de François Virot. Qui sait si je ne vais pas écrire des morceaux comme ça, avec le cœur plus léger !

Après ce n’est pas forcement évident pour moi de trouver cette inspiration-là, cette légèreté. Je vais peut-être plutôt continuer sur la même thématique esthétique…

Crédit photo : Morgane Launay

Crédit photo : Morgane Launay

Quelle est ta relation à la ville de Bordeaux ? À sa scène « rock » ?

Je suis arrivé à Bordeaux il y a un paquet de temps, vers 2002. Je suis venu, comme la plupart des gens de Mont-de-Marsan, pour faire mes études ici, changer un peu d’air. J’ai fait des études d’anglais et puis je suis resté.

En arrivant à Bordeaux, je sortais de l’influence du lycée, des groupes skate plutôt mainstream. À Bordeaux, c’était la curiosité de la diversité !

Avec le collectif Iceberg, on a organisé beaucoup de concerts à l’Inca avec Milos (découvrez son portrait ici !)

À l’époque, il y avait une vraie énergie : tu avais ton collectif, tu organisais tes concerts… Beaucoup de bars étaient très actifs, comme l’Inca qui ouvrait sa scène. Tu pouvais venir sur scène et jouer 3/4 morceaux. Il y avait beaucoup plus d’effervescence dans la scène DIY et DIY hardcore, notamment avec les groupes qui ont signés chez K Records.

Mais on a vieilli et on est plus pépère maintenant ! Telle que je la vois, Bordeaux est une ville « molle », enfin qui se ramollit. Il existe toujours cette scène musicale mais j’ai l’impression que c’est plus institutionnalisé maintenant, l’idée est plus de rentrer dans la norme.

Après, je sais qu’il se passe beaucoup plus de choses dans la scène techno / électro maintenant… Une scène « jeune » contrairement à moi qui fait de la musique de vieux pour laquelle il y a sûrement moins de public  !

As-tu des conseils de concerts à aller voir pendant Bordeaux Rock ?

Justement, je joue avec les groupes de potes que je serai sûrement allé voir même si je n’avais pas été programmé avec eux ! (à la Tencha jeudi 26). Prêcheur Loup, le groupe d’Antoine de Cockpit que je connais bien. Et d’autres « petits », Mellow Pillow. Quand je dis « petits », c’est parce que ce sont des « jeunes » que j’aime beaucoup.

Si je regarde le programme, je connais quelques noms : « Alizon » qui est très amie avec Stéphane Gillet, qui m’a enregistré. Michel Cloup aussi… La soirée du jeudi est assez folle ! Malheureusement, on n’aura pas le temps d’en profiter parce que le vendredi on part jouer à Toulouse.

Comment ça fonctionne pour la scène ? Vous envisagez une tournée pour l’album ?

Non, les gens qui jouent avec moi bossent ou font des études donc on joue les week-ends et les vacances scolaires. C’est pas très punk ! Après on a fait une petite tournée de 10 jours avec Cockpit en octobre.

On n’a pas de tourneur, donc on a plutôt des plans dans les bars et les clubs. On nous a invité à jouer à Paris à la soirée The Drone au Trabendo avec Moon Duo. Et d’autres dates sont en train de se caler (mais je ne sais pas si j’ai le droit d’en parler !)

Crédit photo : Morgane Launay

Crédit photo : Morgane Launay

Tu parlais de BD tout à l’heure et tu cites des références cinéma comme David Lynch, Klaus Kinski & Werner Herzog, Allen Ginsberg, Antonin Artaud pour la poésie et le théâtreQuelles autres formes artistiques t’inspirent ?

J’aime beaucoup le cinéma et la science-fiction. En ce moment, je lis une biographie de Philip K. Dick par Emmanuel Carrère, un livre génial. Du coup, je vais peut-être me lancer comme Philipe K Dick à utiliser le Yi King pour écrire : le Yi King, c’est un livre chinois sur le Ying et le Yang dans lequel se trouvent 64 hexagrammes. En jetant des pièces, tu tombes sur un chiffre qui correspond à une petite phrase… Dans le livre, on apprend que Philip K. Dick a écrit le Maitre du haut château en questionnant le Yi Jing, pour déterminer ce que vont faire ses personnages, ce qui se passe ensuite… C’est surprenant ! Ça ressemble un peu aux stratégies obliques de Brian Eno qu’il utilisait pour guider son inspiration.

Faire une musique de film pourrait t’inspirer ?

Dans plein de BO, on se doute qu’il y a un travail derrière mais on ne l’entend pas dans le film.

Mais je trouve par exemple que l’expérience de Neil Young pour le film Dead Man de Jim Jarmush était super : à partir du film entier, il a réalisé toute la bande originale en suivant son inspiration sur les images.

Je serai plus intéressé par une expérience totale comme celle-là ou par un ciné concert. Ça me semble plus intéressant, plus spontané. Même si on se prend grave la tête pendant des mois et qu’on fait semblant d’improviser !

Pour ça, il faudrait que je chope des synthés. Mais je n’ai jamais composé au clavier. J’ai demandé à plusieurs amis de commencer à m’initier à l’art du piano mais je n’ai pas encore essayé ! J’adorerai, ça viendra !

Et illustrer ta musique en vidéo à l’inverse ? Le petit teasing vidéo de l’album fonctionnait bien.

Je suis ravie de l’entendre pour Marion qui l’a réalisé ! Personnellement je n’ai aucune expérience dans les techniques visuelles… Mais Marion bosse là-dedans et prépare actuellement un clip pour la 1ère chanson du disque qu’on va essayer de sortir avant Bordeaux Rock. Si tout va bien !

Retrouvez Sam Fleisch en écoute sur son bandcamp

Et en concert jeudi 26 janvier à partir de 21h30 à la Tencha (ATTENTION nouvelle adresse : 22, quai de la Monnaie).

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