The Taste Of Almonds d’Alizon

Une folk minimaliste qui incite aux rêveries mélancoliques au coin du feu.

Alizon, c’est d’abord une allure qui tranche au milieu de la scène bordelaise débraillée : robe sage, col Claudine, ou comment imposer son style au pays des rockeurs. Plutôt que chez Noir Désir ou Mars Red Sky, ses références sont à chercher du côté d’Alela Diane ou Catpower, sans doute aussi des classiques que sont Leonard Cohen ou Nick Drake.

© Stéphane Jonathan

C’est à l’âge de 17 ans que, du côté de Bayonne, Alizon découvre la musique d’Alela Diane. Quelques années plus tard, elle écrit sa première chanson Welcome Blues et fait ses premiers pas en tant que chanteuse. Passage obligé, elle se rode dans les petits bars de Bayonne où le public friand de ballades délicates est rare puis s’installe sur Bordeaux où elle rencontre l’épique Stéphane Gillet, et enregistre avec lui en 2015 son premier album, From Crash to Crash.

Alizon revient aujourd’hui avec The Taste Of Almonds, nouveau recueil de ballades folk à l’ancienne. L’artwork réalisé par la chanteuse est élégant et présente une composition de végétaux dont l’aridité fait écho à la sobriété de la musique. On trouve cette fois-ci à la production plusieurs noms dont ceux de Julien Pras et Milos Asian. C’est d’ailleurs dans l’antre de ce dernier qu’ont pu être captées d’intéressantes sessions live de Place of Mine et Tallin Lullaby.

The taste of almonds

Il convient de découvrir ce disque en dégustant une tasse de thé au jasmin et quelques fruits secs, un ouvrage de botanique à la main. Ce dernier nous apprendra notamment que le goût frais et délicat de l’amande douce est le produit d’une sélection par les êtres humains. En effet, l’amande sauvage est naturellement très toxique car très riche en cyanure, l’ingestion d’un douzaine d’amandes seulement pouvant être fatale à l’homme. C’est donc avec une certaine appréhension que l’on enclenche la lecture de The taste of Almonds tout en croquant un des fruits sus-nommés.

Rapidement, la crainte de l’agonie s’éloigne et on se laisse aller aux rêveries. Les chansons nous content le cheminement introspectif d’Alizon, ses paysages intérieurs (Place of Mine, So long), ses errances (Friday Let Us Down où elle s’enivre d’alcool seule parce son prétendant n’est pas venue au rendez-vous). Alizon doute, contemple et écoute son cœur. Ton mélancolique, mélodies simples, comme venues d’un autre âge (My Boy n’est pas sans rappeler le classique Greensleeves). Sans tricherie ni maquillage, la guitare et la voix sont nues, parfois réhaussées d’un violon ou d’une flûte traversière (très belle participation du complice Stéphane Jach). Dans une démarche de sincérité artistique, la production a proscrit tout ce qui pourrait constituer une barrière à la transmission de l’émotion. Le sommet du dénuement est atteint sur Right On The Moon, chanté a capella et qui laisse entendre clairement le souffle des inspirations. Alizon dépasse sa réserve et assume sa voix (on lui pardonne son accent français). On a eu beau chercher, aucune trace d’auto-tune par ici. L’album termine en beauté avec No Leaf Left pour lequel j’avoue un faible, à la mélodie accrocheuse et aux harmonies parfois surprenantes. Au final, un très bel album que ce The Taste Of Almonds, bien dans la continuité du précédent : élégant et épuré. Et Alizon reste fidèle à une certaine idée de la folk, douce et rêveuse.

© Pierre Lansac

On le découvre désormais, la scène folk à Bordeaux est plus riche qu’il n’y parait, et même si elle fait son chemin dans l’ombre de la scène rock, elle cache des pépites pour celui qui se donne la peine de chercher un peu.

Par ailleurs, Alizon c’est aussi le duo Nick & Alizon (Nick Wheeldon à la guitare) qui vient d’enregistrer un album et est en recherche d’un label pour l’éditer et le distribuer (à bon entendeur …), et pour ceux qui trouvent louches les gens trop raisonnables, qu’ils se rassurent en jetant un oeil au side-project Quiche My Ass où Alizon exprime son côté déluré sans retenue. Yeah, allez, on se lache !