Encas danse #1 – Le G-SIC à la Manufacture CDCN

La Manufacture CDCN a lancé le G-SIC (Groupe Spécial d’Immergence Chorégraphique) où une dizaine de jeunes âgés de 13 à 20 ans participent à une expérience dansée avec le chorégraphe Jérôme Brabant. Une aventure que je suis pour montrer que les projets de danse amateurs sont porteurs de sens et peuvent susciter des vocations. Un papier que je vous propose en 3 épisodes, pour ne pas en perdre une miette !

Le G-SIC ce sont 4 week-ends de Mars à Juin 2019 pour s’imprégner de la pièce A Taste of Ted, co-conçue par Jérôme Brabant et Maud Pizon et en proposer une ré-écriture sensible. Jimmy, en service civique à la Manufacture CDCN et danseur, accompagne le projet et est présent sur tous les temps dédiés au G-SIC pour faire le lien entre le chorégraphe et les danseurs en herbe.

Jérôme Brabant – Un danseur en transmission

Commençons par faire connaissance avec Jérôme, fondateur de la Compagnie l’Octogonale. Je le rencontre en ce dimanche après-midi, pendant un week-end du G-SIC. Il porte un legging vert fluo, une polaire noire et un foulard coloré autour de ta tête. Pétillant, il entame d’emblée en me demandant si j’ai des questions… Ça tombe bien j’en ai plein la tête.

Danseur dans l’âme depuis sa plus tendre enfance, le réunionnais n’a pourtant jamais eu l’occasion de la pratiquer sur son île d’origine. Mais il se souvient que ses dessins d’enfants représentaient des danseurs, une obsession qui ne cessera de l’habiter. Danseur professionnel reconnu aujourd’hui par ses pairs, c’est adolescent qu’il arrive en métropole. Il décide de s’orienter vers le théâtre car le préjugé « qu’il faut commencer la danse tôt sinon on n’en fait pas » le hante. Il reste cependant persuadé que chacun est investi d’une « mission », pas nécessairement divine, mais que chacun de nous « est fait pour certaines choses ». Après avoir étudié le Théâtre Corporel où le travail du corps est omniprésent, le hasard, ou cette « mission » dont il me parlait précédemment, le mène alors vers la pratique de la danse. Il ne la quittera plus.

Pourquoi a-t-il souhaité faire partie du projet ? Parce que la transmission est une notion très importante pour lui. Cela, me dit-il, vient sûrement d’une frustration personnelle qu’il a vécu plus jeune. A La Réunion, il n’a pas pu participer à des cours de danse car cette pratique artistique n’était pas accessible à tous. Ainsi, cette envie de transmettre est aujourd’hui de plus en plus importante pour lui et le projet du G-SIC était d’autant plus intéressant qu’il est ancré dans la durée. Les différents week-ends échelonnés sur plusieurs mois permettent de créer des liens et de travailler plus en profondeur avec les participants. Il ne s’agit pas ici de proposer de la « consommation » aux jeunes qui participent au G-SIC, mais bien de leur faire suivre une réelle expérience dansée sur un temps long. Mais être le chorégraphe invité pour la réalisation du G-SIC c’est aussi provoquer des vocations. Tout d’abord, proposer une telle aventure à des jeunes de 13 à 20 ans c’est leur permettre de mieux connaître leur corps, de mieux se connaître eux-mêmes en un sens. C’est finalement participer à leur épanouissement. Jérôme ne le cache pas, les jeunes investis dans GSIC sont les danseurs de demain. Certains en feront leur profession et c’est en cela que le projet est porteur de sens.

Le G-SIC – Donner le goût de la danse contemporaine

A l’origine, A Taste of Ted est une pièce pour deux danseurs et un musicien. Mais avec le G-SIC, il s’agit de l’adapter pour 9 personnes. Cette chorégraphie organique s’inspire des poses égyptiennes, mises en lumières par un travail d’écriture réalisé à quatre mains par Maud Pizon et Jérôme Brabant. Les jeunes qui participent au G-SIC apprennent alors à s’investir dans un processus de création. Les journées combinent un travail très cérébral et un travail physique avec différents temps répartis sur les week-ends. Chaque journée débute par un échauffement basé sur des techniques contemporaines pour réveiller les corps et les esprits. Jérôme tient également à initier les participants à la technique Delsarte, méthode créée au 19e siècle par François Delsarte dans laquelle il théorise la relation entre geste et émotion. S’ensuivent alors des ateliers : improvisation, recherche créative ou apprentissage de phrases chorégraphiques. Le but est de préparer les jeunes à la restitution finale pour ne pas les mettre en danger.

 

Aperçu des coulisses – L’éveil de personnalités

Les moments de recherche permettent d’ailleurs de renforcer le travail et faire gagner les jeunes en liberté. Nina me confie d’ailleurs qu’elle est plus à l’aise après ces moments d’improvisation où l’on retrouve les mouvements appris par Jérôme. C’est cette complémentarité qui permet de comprendre, d’intérioriser et de restituer des éléments chorégraphiques.

Nils lui, même s’il joue le pitre de la bande, se sent parfois en difficulté mais ne se laisse pas abattre. D’ailleurs Jérôme et les autres membres du G-SIC n’hésitent pas à lui donner des conseils pour qu’il ne se décourage pas. Nils est le seul à être le plus éloigné de la danse, il fait du théâtre pour le plaisir mais pas de cours de danse de prévu dans son emploi du temps quotidien… Sauf depuis le G-SIC !

Les filles qui participent au projet, elles, aiment la danse et sont issues de différents mouvements : hip hop, moderne, contemporain… Elles ont déjà une certaine expérience amateur de cette discipline artistique dans laquelle il est parfois compliqué de continuer à s’investir au moment de l’adolescence (complexes, regard des autres…). Mais rien ne semble leur faire peur ! Éléna et Oïahana ont par exemple souhaité s’investir dans GSIC car c’était pour elles l’occasion de développer leur créativité et de rencontrer de nouvelles personnes. Excitées à l’idée de présenter leur travail au moment de la restitution finale en Juin, elles sont de plus en plus à l’aise au fil des ateliers. Globalement tous les jeunes ont été confronté à la timidité et à une certaine appréhension lors du premier week-end. Sentiment qui s’estompe au fil des journées car le groupe se connaît de mieux en mieux et tisse une réelle complicité. Éléna souligne d’ailleurs cela en exprimant son sentiment de bien-être suite au travail de ce deuxième week-end, ressenti qu’elle n’avait pas eu lors de la dernière session de travail car trop stressée et préoccupée par la peur de l’échec.

De son côté, la seconde Éléna ressent une bonne progression dans son travail. L’expérimentation de nouvelles choses, plus physiques, et l’apprentissage de phrases chorégraphiques par Jérôme lui plaisent et la poussent hors de ses limites.

Finalement, une réelle complicité s’est créée aussi bien entre les jeunes, qu’avec les deux professionnels qui accompagnent le projet. La bienveillance est le mot d’ordre et les efforts réalisés rendent le travail impressionnant. Aussi, Jérôme m’a proposé de participer de suivre un atelier ou une journée en tant que « danseuse ». J’aime l’idée mais au vu du niveau déjà en place, je peine à me motiver à fouler le plancher. La suite au prochain épisode !