Entrevue avec Julie Portal – Sculptures sur métal & Chattes du Cimetière

Le vendredi 16 Octobre Julie Portal nous a présenté sa nouvelle installation Parure & Armure à la Galerie Laboratoire à Bordeaux. Ce fut l’occasion pour nous de la rencontrer et de lui poser quelques questions sur elle mais aussi sur cette exposition.

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Les Chattes Du Cimetière est un collectif qu’on a bien entendu pu remarquer avec leurs installations et sculptures lors de Transfert qui s’est déroulé à l’ancien commissariat Castéja. C’est surtout une équipe de trois femmes dont fait partie Julie Portal. Aujourd’hui, c’est elle qui expose en solo à la Galerie Laboratoire.

PEUX-TU TE PRÉSENTER RAPIDEMENT AINSI QUE LE COLLECTIF AUQUEL TU APPARTIENS LES CHATTES DU CIMETIÈRE (LCDC) ?

Je suis Julie Portal. Je fais partie du collectif LCDC, un collectif constitué de trois jeunes femmes (Marion Guibert, Chloé Sagnol et moi-même). Nous existons depuis 2008 en résidence permanente aux Vivres de l’Art. En gros, nous travaillons ensemble sur des pratiques collectives sous le nom du collectif LCDC mais à côté de ça nous avons chacune nos pratiques personnelles. C’est le cas pour cette expo Parure et Armure au Laboratoire que je fais en mon nom.

 COMMENT FAIS-TU POUR FINANCER TON TRAVAIL ?

En majorité, je m’autofinance. Les fonds viennent de mon travail d’à côté – car je suis enseignante. Sinon, il y a aussi des prestations pour lesquelles nous sommes rémunérées, des ventes d’œuvres qui servent à alimenter nos travaux personnels ou des ventes pour le collectif qui alimentent du coup les travaux du collectif. Nous sommes d’ailleurs en train de faire une association pour que les fonds qui la financent, financent LCDC.

TRANSFERT VIENT DE FINIR ET ON A PU Y VOIR PAS MAL DE VOS ŒUVRES… CE QUI VOUS A PERMIS UN BOND MÉDIATIQUE ?

Transfert a été une super expérience parce qu’avec le nombre de visiteurs qu’il y a eu, nous avons eu des vues que nous n’aurions peut être jamais atteintes au cours d’une expo à Bordeaux (NB : 40 000 visiteurs). Au niveau médiatique, cela nous a permis d’avoir beaucoup d’interviews, de reportages. Donc oui, il y a eu un boom médiatique. Nous sommes de plus en plus sollicitées, pour plein de projets différents, nous en préparons d’ailleurs deux pour 2016 avec LCDC.

ALORS TOI TU FAIS DE LA SCULPTURE SUR MÉTAL (ENTRE AUTRE), COMMENT TU EN ES ARRIVÉE LA ?

Ma spécialité c’est surtout le métal mais je travaille tous les matériaux. Je soude, je travaille avec des meuleuses, je coupe le métal, je ponce. C’est vraiment mon matériau préféré et cette préférence s’est déclarée au cours de ma scolarité. Je suis rentrée aux Beaux-Arts pour faire du design graphique, en sortant je faisais de la sculpture ! C’est grâce à Jean-François Buisson chez qui j’ai fait un stage – à l’époque ce n’était pas encore les Vivres de l’Art – et qui travaillait le métal. Cela m’intriguait beaucoup quand j’étais aux Beaux-Arts, j’ai voulu apprendre à travailler cette matière. Finalement, j’en suis tombée amoureuse ! Avec le métal, il y plusieurs choses qui m’intéressent : c’est un matériau assez masculin, assez difficile et justement j’essaie de le travailler de façon assez féminine.
La seconde chose, c’est que l’on peut arriver à faire quasiment tout ce que l’on veut avec, il n’est pas fragile. C’est quand même avantageux quand on souhaite aménager les installations, déplacer les pièces… Le métal te donne une contrainte. Tu as une idée bien précise dans la tête de ce que tu aimerais réaliser, seulement tu dois t’adapter à lui, le laisser faire lui. C’est un peu chercher à maîtriser l’aléatoire. J’essaie toujours au maximum de m’approcher de ce que j’avais prévu mais c’est toujours le matériau qui décide !

Parure & Armure . Julie Portal . Les Chattes du Cimetière . Galerie Laboratoire . Bordeaux

ON PEUT REMARQUER QUE DANS CHACUNE DE TES SCULPTURES EN PLUS DE CETTE TOUCHE FÉMININE, IL Y A UN CÔTÉ TRÈS LÉGER, AÉRIEN. C’EST QUELQUE CHOSE QUE TU RECHERCHES ?

Exactement, je travaille de manière intense la suspension, cela m’intéresse depuis le début. Puis, je peins aussi mon acier. C’est très rare que je l’utilise brut car j’aime beaucoup transformer ce matériau, pour que l’on ne puisse plus le reconnaître. Au final, c’est vraiment l’utiliser pour des aspects plus formels, plus graphiques et vraiment le transformer par le biais de la peinture. 

TU ES TOUTE SEULE POUR CETTE EXPOSITION « PARURE & ARMURE » QUI A LIEU AU LABORATOIRE. COMMENT S’EST FAITE LA RENCONTRE AVEC CE LIEU ET SES PROPRIÉTAIRES FREDY ET LAURENT ?

Laurent, je le connais en tant qu’artiste. Je suis venue au Laboratoire pour le vernissage de l’expo pré-Transfert. Au cours de celui-ci, nous avons pas mal discuté avec Laurent, nous nous sommes soumis mutuellement l’idée que je pourrais exposer ici. Ce lieu est très intéressant pour moi, il est très haut de plafond (ndlr 6m de hauteur), c’est assez complexe de trouver des lieux sur Bordeaux où sont réalisables des installations suspendues.
L’installation est en exclusivité pour ce lieu. Le toit en pente spécifique du Laboratoire permet une économie de matériau… Chaque morceau de chacun des sept modules est suspendu par un câble en acier, c’est un énorme coût en câblage : le toit en pente permet d’économiser sur ce point. C’est vraiment une pièce qui n’aurait pas été – ou difficilement – réalisable pour beaucoup d’endroits dans Bordeaux, c’est une installation In Situ.
Les pièces ont vocation à s’exporter mais bien évidemment, l’installation sera différente puisqu’elle s’adapte aux conditions de suspension donc bien évidemment à la forme, la hauteur et l’espace que propose le lieu. Il est nécessaire de se plier aux contraintes de la galerie : la salle du Laboratoire est très haute et relativement étroite en largeur, c’est une pièce fermée. Il faut que l’ensemble des modules entrent dans l’espace. Il y a aussi d’autres contraintes, on ne peut suspendre partout au plafond, j’ai été obligée de me raccorder aux poutres les plus massives. En gros, chaque module pèse entre 70 et 80 kg.

Parure & Armure . Julie Portal . Les Chattes du Cimetière . Galerie Laboratoire . Bordeaux . 2015©Nathalier-kaïd

Parure & Armure . Julie Portal . Les Chattes du Cimetière . Galerie Laboratoire . Bordeaux . 2015 ©Nathalier-kaïd

L’EXPO S’APPELLE DONC « PARURE & ARMURE ». CE NOM ME FAIT PENSER A UN ORNEMENT QUI VIENT ATTIRER LE REGARD, CETTE ATTENTION EST EN MÊME TEMPS PROTÉGÉE. TU PEUX NOUS EN DIRE QUOI ?

Effectivement, le côté bijou des sculptures est apporté par la façon dont je les ai travaillées, à la manière d’un tissage de perles. L’aspect armure lui vient aussi dans la structure des pièces mais également – à mon avis – dans le double sens de la parure. Une femme qui se pare de bijoux se constitue une espèce d’armure pour affronter l’adversité de l’extérieur et apporter plus de force et de sens au terme de « bijou »; je souhaite jouer sur cette ambivalence. Nous voyons souvent les bijoux comme des choses assez fragiles et superficielles, mais souvent les femmes tiennent beaucoup à leurs parures et je pense qu’il y a une raison à cela. Cette installation a ce double sens.
Seulement, parure a aussi un autre sens pour moi ! Cette installation est une grosse installation qui me coûte quand même du temps (30 jours pleins de réalisation, 5 jours pleins d’installation) et de l’argent. C’est un peu comme un caprice, un peu comme quand on va s’acheter un bijou : « on fait un caprice ». Je me permets cette pièce comme je me permets un caprice. rires.

TON INSTALLATION JOUE SUR LES COULEURS MAIS AUSSI SUR LA LUMIÈRE. TU AS TOUJOURS ASSOCIÉ AINSI PLUSIEURS ÉLÉMENTS DANS TES INSTALLATIONS ?

Normalement, j’associe plusieurs matériaux, celle-ci est constituée uniquement d’acier à la différence de mes autres installations. Par contre, le jeu avec la lumière est très important. Je considère et crée mes structures comme des dessins dans l’espace dans le but d’obtenir un aspect très graphique. C’est aussi cela qui m’intéresse dans l’accumulation de matériau. Pour une même forme, je cherche une apparence très graphique, très dessin. L’intervention de la lumière permet de créer des ombres qui viennent elles aussi faire des dessins et des formes très graphiques sur les murs. Je ne recherche pas à créer une ambiance mais encore une autre vision de la structure. C’est encore un possible, une espèce de fantôme de la pièce.

Parure & Armure . Julie Portal . Les Chattes du Cimetière . Galerie Laboratoire . Bordeaux . 2015

TU AURAIS UN PROJET QUI TE TIENT A CŒUR ? 

Ah oui ! Qu’on me donne carte blanche dans un lieu énorme avec le budget qui va avec pour pouvoir réaliser plusieurs installations démesurées ! Aux Beaux-arts, j’ai commencé à faire de grosses sculptures, rapidement j’ai souhaité m’orienter vers l’installation. Je travaille le volume et dans l’idéal c’est ce que je voudrais proposer à chaque fois.

QUAND TU ÉTAIS PETITE TU TE VOYAIS FAIRE CA ? 

Petite, j’étais très créative, à fond sur les arts mais je n’ai jamais pensé être artiste. Il a fallu que j’aille à l’école des Beaux-Arts pour ça et même si au départ j’y allais surtout pour apprendre à faire des choses. Je me considère comme artiste dans la moitié de ma vie, l’autre moitié je suis enseignante.

LA QUESTION HAPPE:N MAINTENANT ! SI TU ÉTAIS UN FILM TU SERAIS …?

Fight Club sans hésitation !

Parure & Armure . Julie Portal . Les Chattes du Cimetière . Galerie Laboratoire . Bordeaux . 2015

Exposition Parure & Armure présente à la Galerie Laboratoire. 4 bis rue Buhan, du mardi au samedi de 14h à 19h jusqu’au 6 Novembre 2015.