Shake Well, souvenirs d’un festival sensationnel

Ce carnet de bord raconte mon histoire au sein de l’équipe Shake Well : une aventure vibrante partagée avec bénévoles, artistes graffeurs, musiciens et public d’un festival de graffiti bordelais hors du commun.

J – 292 : La découverte

Un frais dimanche de novembre, lassée de rester enfermée dans mon appartement bordelais et en manque d’activité culturelle, je décide de me rendre à un événement hivernal proposé par Le Festin : une visite street art aux bassins à flots. Les peintures monumentales m’éblouissent et j’y apprends que la majorité des œuvres ont été réalisées dans le cadre d’un festival répondant au nom de « Shake Well ». Je follow la page sur facebook et tweet des anecdotes racontées par le guide en taguant le fameux festival dans mes publications.

J – 290 : L’intrigue

Je pense à aller jeter un œil à mes notifications twitter pour voir les performances de mes derniers tweet, mais déception : pas même un like ou un retweet de la part de Shake Well. Je suis vexée. Puis intriguée : « peut-être qu’ils manquent de communicants dans la team ? ».

J – 78 : La surprise

Un matin comme les autres, pas très réveillée, les écouteurs vissés dans les oreilles diffusant des sonorités techno, je scroll mon fil d’actualité facebook. Sans grand intérêt je survole les publications sur wanted community bordeaux, les posts indignés de certains de mes amis facebook et les vidéos rigolotes des marques et autres pages que je suis. Ça ne me fait pas vraiment rire. Mais là, STUPEFACTION ! Mon pouls s’accélère, le ciel s’éclaire et j’esquisse un large sourire, témoin d’une extrême excitation : le Shake Well Festival vient de lancer un appel à bénévoles. Je remplis le formulaire sur le champ en espérant avoir une réponse réjouissante.

Photo : Astrid Vdw

J – 69 : La réponse

Je reçois des demandes d’ajout en amis de personnes aux noms étranges et peu conventionnels mais aux photos de profil évocatrices du Shake Well Festival. Je me dis que c’est bon signe donc je réponds favorablement à ces requêtes et reçois alors d’un certain « Rooms » des messages me proposant un rendez-vous pour parler du projet. On détermine une date de rencontre et on quitte nos écrans respectifs en attendant notre entrevue prévue quelques jours après.

J – 64 : La rencontre

Il est en retard sur le rendez-vous, et malgré la chaleur estivale bordelaise, je me retiens de commander une bière bien fraiche avant son arrivée. Romain (alias « Rooms ») arrive (enfin) et commence à me raconter l’histoire du projet. Je comprends que l’organisation est entièrement composée de bénévoles, que les artistes graffeurs et musiciens viennent gratuitement et que beaucoup de bénévoles s’investissent durant les trois jours du festival pour faire de l’événement un moment hors du temps dédié au graffiti. L’esprit du festival me séduit alors d’autant plus. Je veux y contribuer et le fais bien savoir. Je propose mon aide en communication ce qui intéresse Romain, m’avouant qu’une personne supplémentaire pour épauler l’équipe actuelle ne serait pas de trop. Je suis heureuse et reprends une bière. La conversation continue et s’oriente sur nos quotidiens et histoires respectives. Je crois réussir à appréhender l’esprit Shake Well. On se quitte et se dit qu’on en rediscutera plus tard.

J – 59 : La com, la com, la com

Après quelques échanges avec certaines personnes de l’équipe Shake Well 2018, je rencontre (autour d’une bière) Justine, mon binôme communication. On parle strat’ globale, plan de com’, social media, RP… En bref, le jargon marketing y passe. Je sens l’urgence et entrevois les courtes nuits qui s’annoncent. Je comprends aussi que la campagne de crowdfunding lancée sur Ulule est fondamentale. La rencontre est une fois de plus agréable, je commence à m’éprendre des instants Shake Well, qu’ils soient studieux ou moins !

J – 58 à J – 21 : Travail, famille, Shake Well

Mes journées se résument à l’enchainement suivant : Boulot – Communication Shake Well – Préparation oral de mémoire – Dodo (ponctuées par un check permanent de la jauge Ulule et de sorties quelques peu arrosées). Une définition plutôt simple de mon été !

Photo : Astrid Vdw

J – 21 : La team au complet 

J’enfourche mon vélo pour me rendre à l’apéro bénévoles qui a lieu sur la terrasse de Cap Sciences, privatisée pour l’occasion. Beau privilège, je mets donc les moyens et prends 3 bouteilles de bière, quelques radis, du Tzatzíki et… déséquilibrée par le poids des victuailles dans mon panier, commence par choir sur le sol ferme de Bordeaux. J’arrive tout de même à destination (et cette fois-ci c’est moi qui suis en retard). La soirée est sympathique, je mets des visages sur des noms et papote pour tenter d’en savoir plus sur les personnes qui partageront ma vie pendant au moins 3 jours de festivités. La soirée se termine sur les quais à discuter programmation musicale, communication, campagne Ulule et de la vie des uns et des autres. Je repars à vélo et rentre à bon port sans égratignures.

J – 15 à J – 2 : L’emballement

Je mets toutes mes forces pour tenter d’approcher des journalistes et leur vanter les mérites du Shake Well. Je passe mes journées au bureau et mes soirées à promouvoir l’image d’un festival aux valeurs fortes : le Shake Well, réjouissance et bonne ambiance au service du graffiti et des arts urbains. La majorité sont emballés et les articles commencent à éclore. Je suis plus motivée que jamais et excitée à l’idée de bientôt pouvoir festoyer.

J – 1 : La notoriété

Jeudi matin, derniers instants avant le Grand Jour, je prends le 20 Minutes en partant travailler et admiration : une demi-page dédiée à Shake Well ! Je savoure le moment.

Jour J 1 : La notoriété Bis

Vendredi matin, pendant que certains sont déjà sur le site du festival à s’affairer pour finir le montage, que les artistes s’installent et que le festival se met en place, mon quotidien me rattrape et je pars au bureau. Je m’autorise à lire la presse gratuite dans laquelle je peux consulter mon horoscope du jour… Mais stupéfaction : une demi-page également dans le Bordeaux 7 ! Je déguste ce moment délicieusement jouissif. J’en oublie l’astrologie ! On m’informe pendant la journée que Sud Ouest est passé sur l’événement pour publier un article le lendemain, que France 3 Nouvelle Aquitaine est venu faire quelques prises de vues et Le Bonbon Bordeaux m’appelle pour me dire qu’ils ont publié un petit article sur le festival. L’horoscope devait finalement être bon sur le plan « carrière » (surement 5 étoiles sur 5) pour que tout fonctionne ainsi !

En fin journée, je file à Pessac pour voir comment ça se passe : les bénévoles, artistes et musiciens sont en place, c’est plutôt calme mais bonne ambiance. Je suis sidérée par le travail réalisé : des structures en bois ont envahi le parc à proximité de la Maison Des Arts. Les graffeurs ont déjà commencé leur travail et les œuvres promettent d’être réussies.

Photo : Astrid Vdw  Oeuvre : Rooble

Jour J 2 : Le succès

Je commence par une conférence de presse avec quelques journalistes qui assistent avec moi au réveil du festival. Les fresques avancent, les bénévoles boivent du café pour garder la forme, les artistes de la bière pour trouver l’inspiration. A midi, c’est la course à l’accueil : des centaines de personnes sont au rendez-vous. Et même si compter les tickets, rendre la monnaie, renseigner le public et parler de la campagne de crowdfunding est difficile sous la chaleur, on profite du moment en papotant, riant, buvant et fumant.

Pause sandwich oblige, on déguste les repas cuisinés par les bénévoles de l’équipe cuisine et les félicitons de leur travail. Ils sont bons et bien fournis, le bonheur à l’état pur. Je profite d’un moment pour faire un tour sur le site : la fresque de Rooble est d’un impressionnant réalisme qui me subjugue.

Dès le début de l’après-midi, on envoie une équipe de bénévoles en renfort sur l’atelier graff enfants tant il a de succès. Les fûts de bières se vident à vue d’œil et la nuit commence doucement à tomber. Un autre sandwich pour le repas du soir et ça repart ! Derrière le comptoir de l’accueil nous dansons furtivement sur les sonorités lointaines de Pedro le Kraken et une fois le concert terminé, le public exalté nous transmet son enthousiasme quant à cette performance beatmaking.

Contraints à fermer le festival à 22h, nous terminons de servir les derniers festivaliers et buvons un verre à cette belle journée !

Je prends le tramway et discute pendant le trajet avec un graffeur sympathique qui me fait part de ses regrets quant à son travail. Touchée par cette déclaration je lui dis quelques mots rassurants pour qu’il garde un bon souvenir de sa performance au Shake Well Festival. Éreintée, je rentre tranquillement chez moi, mais t-shirt bénévole l’oblige, je mets une machine à tourner pour tenter de rendre son éclat à ce fameux joyau tant convoité par les festivaliers qui demandent à l’acheter. J’attends sagement que la machine finisse de tourner pour pouvoir l’étendre et espérer le voir sécher dans la nuit. Un coup de fil de Romain me sort de mon canapé : « Ninon, on a besoin de loger 3 graffeurs italiens et un français. T’as de la place chez toi ? ». J’accepte et les attend patiemment. Ça tombe bien, ma machine à laver n’est pas encore terminée. Ils arrivent une demi-heure après, et l’heure tardive empire mon expression anglaise. On tente tout de même de discuter autour d’une infusion « nuit tranquille » et rejoignons Morphée chacun de notre côté.

Je rêve qu’en échange de mon hospitalité ils graffent un mur de mon jardinet bordelais.

Photo : Astrid Vdw

Jour J 3 : Le final

Je me réveille semi-inquiète, semi-excitée avec cette histoire de graff dans le jardin, (mal)heureusement rien n’a changé. Mais dans le salon je retrouve les graffeurs prêts à décoller pour finir leurs œuvres.

Je file sur le site du festival, mais m’étant réveillée un peu tard, il est déjà l’heure du sandwich. Là j’avoue que même s’ils sont bons, c’est un peu ennuyeux comme régime alimentaire (même s’il y a le choix entre poulet-crudités, jambon-crudités ou chèvre-crudités). Bref, je retrouve l’équipe de l’accueil, les traits sont tirés et même après plusieurs cafés personne n’est réellement réveillé. On reste quand même motivés et repartons dans notre vente de tickets et comptage de monnaie.

Je prends une pose pour aller rendre visite au crew Art Of Sool (les italiens hébergés la veille) et je suis d’humeur bavarde. Ils ont un mur pas facile d’accès et une seule nacelle pour trois, compliqué d’avancer. La fresque ne sera pas terminée ce soir. Dommage. Ils me remercient une fois de plus pour l’accueil nocturne et je les trouve encore plus charmants que la veille. J’en profite pour faire un tour sur les autres murs et admire les artistes venus pour ces trois jours, leur travail et les techniques utilisées.

Je retourne à mon poste et continue l’accueil du public, toujours nombreux ce dimanche. Les ateliers enfants sont encore follement sollicités, du travail pour l’équipe des bénévoles Kids qui se démène. Je m’arrange pour me libérer à 20h30 pour guincher avec d’autres bénévoles sur le dernier DJSet de la journée, mais également de cette troisième édition du Shake Well Festival.

Le public disparait peu à peu et les bénévoles s’affairent pour ranger rapidement. D’autres boivent des bières en discutant. Je me permets une petite pause : je vais discuter avec des graffeurs qui me confient que souvent, les artistes sont timides et que la peinture les désinhibe. Ces confidences me font sourire et nous continuons à bavarder, quelques boissons à disposition, jusqu’à une certaine heure, pas habituelle pour un dimanche soir. Je retrouve les italiens et le graffeur rencontré dans le tram la veille, nous discutons, rions. C’est une belle soirée pour un dimanche ! Mais lorsque je demande l’horaire de passage du dernier tram, on me dit qu’il passe dans trois minutes. Je pars en courant, seule, laissant derrière moi bénévoles, artistes et musiciens. Triste de quitter ce festival unique en son genre, cette belle ambiance et ces personnes sympathiques, je suis tout de même heureuse d’avoir pu vivre cette aventure. De toute façon, je n’aime pas les au revoir.

Photo : Astrid Vdw

Aujourd’hui

Quand je regarde mes notifications Ulule, j’ai un pincement au cœur. Notre campagne de crowdfunding n’a atteint que les 50% du montant visé et il ne reste plus que quelques jours pour y participer… Si vous souhaitez retrouver Shake Well l’année prochaine, si vous voulez vivre avec moi cette petite histoire, soyez généreux ! Et promis, la prochaine fois, je ne partirai pas en courant.