Trente Trente : journal d’une déambulation artistique

Découvertes étonnantes lors d’un parcours artistique à Bordeaux.

15 ans que les rencontres Trente Trente apprivoisent la culture locale grâce à des parcours et performances scéniques courtes pour piquer au vif le public de Nouvelle Aquitaine. La programmation éclectique (théâtre, cirque, danse, musique, chant…) propose de s’immerger dans un univers original et novateur grâce à des artistes locaux, nationaux et internationaux lors de parcours combinant plusieurs spectacles dans des lieux différents.

À Bordeaux, le 26 Janvier 2018.

18h17
Me voici arrivée devant la Halle des Chartrons, premier lieu où je vais pouvoir apprécier la proposition théâtrale « On prend le ciel et on le coud à la terre » par (&) So Weiter (Yann Allegret et Yann Féry). J’entre et prends la température du lieu : une salle quasi comble et un public plus tout jeune mais un enfant et un groupe de 5 adolescents sont assis là. La scénographie, épurée, se compose d’un bouquet de fleurs suspendu en hauteur, d’instruments de musique posés au sol et d’un simple bureau agrémenté d’une chaise.

18h35
En attendant les retardataires, le comédien et le musicien font les 100 pas avant de pouvoir commencer leur pièce qui durera 35 minutes.

18h42
Après un silence troublant, le comédien entame sa tirade et le spectacle commence.

Photo P. Planchenault

« On prend le ciel et on le coud à la terre » est une pièce mélancolique avec des textes moroses portés par des compositions musicales en live. L’association mots et musiques permet d’entrer dans un univers nouveau nous emmenant dans un voyage sentimental plutôt agréable malgré des textes parfois pas très convaincants.  Le choix du lieu était vraiment intéressant à mes yeux car, la Halle des Chartrons disposant d’une multitude de portes vitrées, nous pouvions admirer en transparence les scènes de vie de la place du marché du quariter. Le comédien a d’ailleurs réussi à réaliser un jeu d’improvisation discret lors d’une tirade associée à un élément extérieur. Le fait d’avoir pu profiter sur les mêmes plans de la musique, des textes et des scènes extérieures à la pièce m’ont permis d’ouvrir mes sens : j’ai été plutôt conquise par ce premier spectacle qui m’a fait voyager.

19h07
La fin de cette première représentation m’invite à écouter les ressentis des différents spectateurs à la sortie de cette performance avant de me diriger vers le second spectacle qui à lieu au Glob Théâtre.

19h40
Après une vingtaine de minutes de marche, arrivée au Glob Théatre et quelle surprise ! Ne m’étant jamais rendue dans ce lieu de culture à Bordeaux, je suis séduite par l’atmosphère cosy et conviviale qui y règne. Les spectateurs, l’organisation des rencontres Trente Trente ainsi que ses bénévoles échangent autour d’un verre de vin commandé au bar ou grignotent en donnant leurs impressions sur les premiers spectacles.

19h55
Nous nous dirigeons vers le Studio du Glob Théâtre pour admirer la deuxième prestation artistique de la soirée : « Je ne sais quoi » par Romain Jarry et Kevin Malfait. Nous nous installons dans une salle aux lumières tamisées laissant apercevoir deux silhouettes ainsi qu’un synthé. L’ambiance est intimiste et je suis impatiente de découvrir ce que ce duo musique/voix va nous proposer !

20h05
Le clavieriste prend les commandes et ouvre le concert qui durera 25 minutes.

Photo P. Planchenault

La musique électronique me séduit tout de suite tout comme les paroles harmonisées par le chanteur. La performance musicale aux textes essayistes et imagés nous transporte dans un univers presque enivrant. L’actualité (technologie, relations amoureuses modernes, …) poétisée donne envie d’être écoutée et on se laisse volontiers emporter dans le paysage dessiné par les mots et les sons. Un petit bémol sur le deuxième morceau où les bruits de bouche amplifiés n’étaient vraiment pas à mon goût !

20h40
Nous voilà de retour dans le hall d’entrée du Glob Théâtre toujours bondé avec son bar qui ne désempli pas.

20h52
Nous entrons dans la salle de spectacle du Glob Théâtre pour assister à la performance dansée « They might be giants » de Steven Michel. Dès l’entrée, nous considérons le danseur « contorsionné » devant une installation scénographique intéressante.

Photo P. Planchenault

Cette performance de danse contemporaine intrigue : mouvements minimalistes répondants aux différentes musiques électroniques percutantes, contrôle total de toutes les « agitations » du danseur, déplacements dans l’espace quasi inexistants. Ma curiosité me permet d’être totalement happée par la proposition du performeur. Lors des moments de silence, le public rit, interloqué par cette chorégraphie inédite et provocatrice. Jusqu’à la dernière minute, nous n’avons pas vu le visage du danseur, pourtant, sur toute la durée du spectacle je n’ai qu’une envie : le découvrir. Le choix des lumières et de la musique (qui se mettent à danser sur le corps du danseur presque inerte) rajoutent de l’intrigue et me séduisent autant que la chorégraphie complètement décalée proposée par le danseur.

21h45
La performance terminée, j’en profite pour connaitre le ressenti de plusieurs spectateurs sur ces trois premiers spectacles. Certains sont dubitatifs mais d’autres enchantés : les propositions divisent. Nous rencontrons également, avec Morgane, Jean-Luc Terrade, le directeur artistique de cet événement avec qui nous échangeons sur nos interrogations.

22h35
Nous nous dirigeons vers le dernier spectacle de ce parcours Trente Trente : « Ode to the attempt » à l’initiative de Jan Martens.  L’entrée en matière est étrange, le performeur est assis devant une table, face à son ordinateur et prend des selfies avec sa webcam qui sont rétroprojetés en direct.

Pour débuter, l’artiste nous fait un sommaire écrit (et toujours projeté) de ses intentions pour les 30 minutes qui vont suivre. Jan Martens est complètement décalé : il gère le son, les lumières et la danse seul, le tout sur un ton humoristique qui conquiert l’ensemble des spectateurs. Cet artiste unique ose tout, même mettre en lumière ses parties intimes évoluant librement lors d’une chorégraphie totalement décalée et gardant son sérieux en toute circonstance. Cette performance hilarante a permis à l’ensemble de spectateurs de vivre une parenthèse humoristique offerte par un artiste sincère et multi-tâches.

Finalement, la programmation de Trente Trente m’a enchanté. J’ai voyagé le temps d’une soirée grâce aux diverses propositions théâtrales, musicales et dansées des artistes de cette 15ème édition. Le rythme soutenu de la soirée m’a maintenue dans un état d’enthousiasme fort : mes sens ont été éveillés par les différentes représentations aux univers hétéroclites et étonnants. J’ai découvert des performeurs qui osent la provocation par tous les moyens et espère que cela ne se perdra pas !