Trente Trente saison chaude – Tout court

Habituellement festival de début d’année, l’édition 2021 de Trente Trente – Les Rencontres s’est adaptée à la situation avec une programmation en deux temps : la saison froide (en Janvier dernier) et la saison chaude qui vient de se terminer. 

Heureuse de voir rouvrir les lieux de culture à la suite de (bien trop de) mois perturbés, c’est tout excitée que je me suis rendue à l’un des parcours de spectacles proposé à l’Atelier des Marches. Prêt.e.s à (re)vivre cette soirée du 30 Juin 2021 ?

Après la frénésie de la journée, j’arrive à l’Atelier des Marches à quelques minutes du début du premier spectacle. La sérénité règne, certains boivent un verre dehors en discutant et d’autres sont déjà à l’intérieur, à l’affût de la meilleure place. 

Jean-Luc Terrade, directeur artistique du festival, ouvre la porte de la salle et nous présente brièvement le premier spectacle auquel nous allons assister : il s’agit de Experimento 5 – Version Duo, signé de la compagnie Sofia Fitas.

*** Experimento 5 – Version Duo – Compagnie Sofia Fitas***

Le public s’engouffre dans la salle sombre, nous nous installons. Le noir dure et laisse place à une scénographie dépouillée : un musicien en bord de scène, côté jardin. Un corps, ou plutôt un tronc, pâle, telle une statue grecque immobile, s’empare du centre du plateau. Résonnent maintenant des sons gutturaux, qui viennent « converser » avec la danseuse. La lumière laisse chaque fibre corporelle se dessiner au gré des mouvements d’une originale étrangeté. 

Le musicien, qui n’utilise que sa voix et ses possibilités, laisse le rythme s’accélérer. Est-ce finalement la musique qui crée le mouvement chez la danseuse ou l’élan des gestes de la performeuse qui viennent inspirer le chanteur ? Il me semble que nul ne le sait. Néanmoins, les sons (qui jusque-là me faisaient un poil penser à des stimuli auditifs que l’on peut croiser dans le monde de l’ASMR) deviennent davantage tribaux à mesure que la danse s’intensifie. Et ce corps devient de plus en plus mouvant. 

Cette pièce nous projette dans notre propre imaginaire. Le duo voix et corps vient stimuler chacune de nos neurones et pose une foule de questions, qui résonneront différemment chez chacun des spectateurs. A l’heure où la majorité des images que l’on nous sert sont pensées pour une lecture unique, Sofia Fitas nous invite ici à la rêverie. Pour moi, le format duo voix-danse est inséparable. Nos yeux, tour à tour attirés par la danseuse, puis le musicien. C’est ce va-et-vient qui rend la pièce plus captivante encore.

Trente Trente 2021 / Happen

©Pierre Planchenault

A l’issue de la représentation (qui aura duré une petite trentaine de minutes), j’entends une spectatrice glisser à son amie “Je ne pense pas qu’il faille se poser la question de si l’on a aimé ou non. C’est une performance qui amène à se poser des questions”. J’ai moi aussi eu cette impression et je finirai donc sur les mots d’une autre que moi.

*** C’est toi qu’on adore – Leila Ka***

Après avoir bu un petit verre à mon tour, il est temps de reprendre le chemin de la salle. Pendant que nous rejoignons nos sièges, nous pouvons deviner la présence de deux danseuses sur le plateau. Le public installé se fait surprendre par la musique (la fameuse Sarabande d’Haendel pour le côté magistral) qui se lance, puis se coupe. Se relance puis se coupe de nouveau. Sur ces bribes sonores, les deux danseuses entament une phrase chorégraphique, les amenant à la chute. La répétition de cet ensemble me fait l’effet d’un bug. Pourtant, rien ne dysfonctionne, le tout est magnifique. Je me laisse happer par chaque mouvement tant la gestuelle si particulière de Leila Ka m’émeut. Parfois, j’ai une folle envie que des hordes de danseurs rejoignent le plateau pour quelques secondes, puis qu’ils repartent comme si rien n’était arrivé. 

Trente Trente 2021 / Happen

© Pierre Planchenault

J’ai envie que tout cela dure des heures mais malheureusement Leila Ka et Jane Fournier Dumet saluent déjà. 

Les applaudissements retentissent et qu’est-ce que ça fait du bien ! La réouverture des lieux de culture était ESSENTIELLE, et c’est maintenant plus que jamais que je le ressens.

***Poésie du lendemain – Antoine Linsale***

Après une rapide pause nécessaire au changement de plateau (et bienvenue pour les spectateurs qui continuent leurs conversations, un verre à la main ou non) nous voilà de nouveau dans la salle de l’Atelier des Marches. Le public est invité à s’asseoir au sol, au plus proche d’un tissu descendant du ciel, avec lequel Antoine Linsale, jeune artiste de cirque, nous éblouira ces quinze prochaines minutes.

Le travail que nous propose l’artiste n’est pas une performance visant à montrer la technique que demande un agrès comme le tissu avec de brusques allers et retours entre sol et ciel. La lenteur et la finesse de ses gestes font de l’instant un moment de poésie saisissant. La virtuosité d’Antoine Linsale ne réside pas uniquement dans sa maîtrise du tissu aérien. Il crée, avec son travail artistique singulier, un moment suspendu auquel l’assemblée ne résiste à s’accrocher. Avec ses subtiles acrobaties, l’artiste rend un humble et délicat hommage à son tissu qui lui permet d’échapper au réel et d’atteindre la lumière. 

Trente Trente 2021 / Happen

© Pierre Planchenault

La soirée est terminée. Le public se retire petit à petit. Quelques-uns restent pour faire durer encore un peu ce moment. La culture est de retour dans nos vies, elle nous avait tant manqué. Les festivals comme Trente Trente qui ont su s’adapter au contexte montrent que rien n’est impossible. En espérant que les prochains mois seront aussi beaux que cette soirée à l’Atelier des Marches… A suivre !